Reporters sans frontières a qualifié d'"ubuesque" l'accession de la Libye à la présidence de la commission. Quelle crédibilité peut encore avoir une telle instance quand elle est dirigée par le représentant d'un pays qui bafoue quotidiennement les droits de l'homme ?
Le 20 janvier, à Genève, la Libye a été élue, à la majorité des voix, à la présidence de la Commission des droits de l'homme des Nations unies.
"Comment qualifier, sinon d'ubuesque, l'accession de la Libye à la présidence de cette commission des Nations unies ? Quelle crédibilité peut encore avoir une telle instance quand elle est dirigée par le représentant d'un pays qui bafoue quotidiennement les droits de l'homme ? Avec cette nouvelle présidence, cette commission prouve - si le moindre doute subsistait - qu'elle est juste bonne à couvrir les exactions de ses membres via de sordides marchandages. D'autant plus que le "cru" de cette année est particulièrement révélateur de cette
dérive : parmi les 53 Etats membres de la Commission, pas moins de quatorze bafouent quotidiennement la liberté de la presse", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
Malgré la nouvelle image de marque que tente de se donner le régime libyen, la liberté de la presse demeure toujours inexistante. Les médias, écrits ou audiovisuels, sont inféodés au régime. Aucune critique du "Guide" n'est tolérée. Un journaliste, Abdullah Ali Al-Sanussi Al-Darrat, est incarcéré depuis 1973 sans que l'on sache où il est incarcéré ni surtout s'il est encore vivant.
Seuls Internet et les télévisions satellitaires - de nombreux Libyens sont dotés de paraboles - constituent une fenêtre sur le monde extérieur. Les visas pour les journalistes étrangers sont délivrés au compte-gouttes.
Dernier exemple en date d'atteinte à la liberté de la presse : les déboires de six journalistes étrangers qui s'étaient rendus à Tripoli. Le 4 janvier 2003, un Français de la chaîne de télévision française I-Télévision, un photographe français de l'AFP, deux Anglais du Sunday Times, un Américain free-lance et une journaliste free-lance israélo-américaine sont arrivés à Tripoli pour couvrir l'histoire de Tecca Zendik, une jeune Américaine participant au concours de Miss Networld, qui s'était tenu en novembre en Libye. A l'époque, Tecca Zendik avait pleuré quand le colonel Khadafi avait critiqué les Etats-Unis. Pour "se faire pardonner", Mouammar Kadhafi lui avait proposé de revenir en Libye, début janvier, pour recevoir un passeport libyen et devenir consul honoraire de Libye aux Etats-Unis...
A l'aéroport, lorsque les Libyens se sont rendu compte que la journaliste israélo-américaine, Daphné Barak (cousine d'Ehud Barak, ancien Premier ministre d'Israël), présentait un passeport israélien, ils ont refusé qu'elle reste dans le pays. Elle a été expulsée le lendemain. Selon Patrice Vanoni d'I-télévision, Omar Harfouch, l'organisateur du concours Miss Networld et de ce voyage, avait pourtant précisé à la journaliste qu'elle pourrait entrer dans le pays avec son passeport israélien. Omar Harfouch a, quant à lui, précisé à Reporters sans frontières que Daphné Barak lui avait dit qu'elle présenterait un passeport américain.
Le lendemain, alors que le photographe de l'AFP souhaitait avancer son départ pour la France, initialement prévu pour le mercredi, il a été informé qu'il devait patienter. "Ils nous ont retenus contre notre gré, par la menace", a déclaré Patrice Vanoni, le journaliste d'I-Télévision qui voulait rentrer, lui, le mercredi. Des personnes en civil que les journalistes n'ont pu identifier leur ont expliqué qu'ils ne leur rendraient leur passeports (pris à leur arrivée à l'aéroport) que lorsqu'ils auraient effacé toute trace de la venue de Daphné Barak qui avait été photographiée et filmée à l'aéroport. "Lorsque nous avons menacé de nous plaindre à l'ambassade de France à Tripoli, en disant que nous étions retenus en otages, ils nous ont arrangé un petit point de presse avec le Guide", a raconté Patrice Vanoni. Ce n'est qu'après avoir effacé les traces de "l'épisode à l'aéroport" que les journalistes ont pu récupérer leurs passeports. Selon le photographe de l'AFP, les journalistes ont pu néanmoins "garder des trucs qu'ils voulaient garder". Ils ne sont repartis pour Paris que le vendredi 10 au soir.