RSF demande à Didier Ratsiraka et à Marc Ravalomanana de garantir la sécurité des journalistes présents sur l'île. L'organisation fait le bilan des principales atteintes à la liberté de la presse depuis la proclamation de l'état d'urgence, en février dernier.
Reporters sans frontières (RSF) demande aux deux protagonistes de la crise actuelle – Didier Ratsiraka et Marc Ravalomanana – de tout mettre en œuvre afin que les journalistes puissent exercer leur profession en toute liberté et en toute sécurité dans le pays. RSF exhorte notamment les deux responsables politiques à appeler leurs militants et sympathisants au calme et au respect de la liberté d'expression. "Le pluralisme de l'information est primordial dans une période aussi turbulente et les deux leaders doivent faire en sorte que toutes les voix puissent s'exprimer sans crainte dans le pays", a déclaré Robert Ménard, le secrétaire général de l'organisation. Depuis la proclamation de l'état de nécessité nationale, le 22 février 2002, une dizaine de radios ont été saccagées ou incendiées et plusieurs journalistes ont été menacés ou agressés. L'annonce récente par une radio privée de la suspension de ses programmes d'informations montre que les menaces et les pressions perdurent encore aujourd'hui.
RSF rappelle également que les médias d'Etat doivent être au service du public et non d'une personne ou d'un parti. Les journalistes de la presse publique doivent être libres de réaliser les reportages qu'ils souhaitent et de couvrir les activités des deux camps.
L'organisation appelle enfin les journalistes présents sur l'île à faire preuve d'une grande rigueur dans la collecte et la vérification des informations. Un quotidien local affirmait en mars que "les radios de chaque camp font de la désinformation et poussent à la haine". Les périodes de crise sont propices à la propagation des rumeurs et les journalistes doivent respecter scrupuleusement l'éthique et la déontologie professionnelles.
Rappel des principaux faits :
Selon les informations recueillies par RSF, la station privée Radio-Télévision Analamanga (RTA), a annoncé, le 8 avril 2002, qu'elle supprimait son flash d'information suite à des "menaces téléphoniques" et des "menaces contre les journalistes". Selon un communiqué, la radio avait pris la liberté "d'informer tout court et non d'informer pour ou contre une personne, ni une entité ou un parti".
Par ailleurs, le 16 mars, des soldats ont saccagé les locaux de Radio Soleil, propriété d'un député pro-Ravalomanana. Deux jours plus tard, les mêmes militaires sont revenus dans les bureaux de la station pour détruire le matériel restant.
Le 27 février, Radio Tsiokavao a été incendiée par des sympathisants de Marc Ravalomanana. Les locaux de la station ont été totalement détruits par les flammes. Radio Tsiokavao soutient Didier Ratsiraka. "Nous avons fait cela pour répondre à l'incendie de la radio MBS", a déclaré un des auteurs de l'incendie à l'Agence France-Presse.
Dans la nuit du 23 février, une dizaine d'hommes encagoulés ont attaqué les locaux de la radio de Marc Ravalomanana Madagascar Broadcasting Service (MBS), à Fianarantsoa (300 km au sud d'Antananarivo). Les bureaux ont été incendiés et trois gardiens de nuit ont été grièvement blessés. "Depuis trois jours, nous sommes cloîtrés dans les locaux de la station, car nous craignons pour notre sécurité", avait alors déclaré le rédacteur en chef à un quotidien malgache.
Le 20 février, des lycéens en grève ont saccagé, à jets de pierres, les locaux de la station Amoron'i Mania Radio-Television (Art) à Ambositra les Roses (au sud d'Antsirabe). Les élèves protestaient contre la couverture trop partisane de la station, propriété du Premier ministre de Didier Ratsiraka.
Enfin, le 2 février, le lieutenant-colonel Coutiti, conseiller technique du ministre de l'Information, a confisqué le matériel de la radio privée FM 91, à Nosy Be (île dans le nord du pays), et fermé la station. FM 91 est la propriété d'un conseiller provincial supporter de Marc Ravalomanana.