Journalistes et net-citoyens sous la pression du crime organisé et des gouvernements locaux
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Au Mexique, informer des réalités du pays reste un exercice périlleux. Le 4 mars 2013, Reporters sans frontières a soumis ses recommandations au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (voir document ci-dessous), qui examinera le cas du Mexique lors de la 17ème session de l’Examen Périodique Universel (21 octobre – 1er novembre 2013).
Reporters sans frontières y explique notamment comment, dans les Etats de San Luis Potosí (nord-est) et Tamaulipas (centre-nord), le crime organisé et les gouvernements locaux, parfois infiltrés par les cartels de la drogue, continuent de menacer le travail des journalistes et des net-citoyens qui osent dénoncer la violence et la corruption liées au narcotrafic.
A San Luis Potosí, plusieurs journalistes du quotidien régional Pulso ont fait l’objet d’une "campagne de haine anonyme" sur les réseaux sociaux ces derniers mois, attribuée au gouvernement de l’Etat de San Luis Potosí, et dénoncée dans l’édition du journal du 19 février dernier. Des messages à caractère diffamatoire et calomnieux ont ainsi été publiés sur des comptes anonymes Twitter (@zacahuilhuastec, @MaestraRevoluci, @EmprendedorSLP, @elena__morado, @grillopotosino). Le 20 décembre 2012, le coordinateur éditorial du journal, Jaime Hernández López, a été attaqué directement sur un blog Wordpress, faisant référence à sa "pauvre formation éthique".
Pulso accuse la Coordination Générale de la Communication Sociale du gouvernement de l’Etat, sous la direction de Juan Antonio Hernández Varela, d’avoir créé ces comptes, afin de jeter le discrédit sur les journalistes, suite à la publication d’articles "gênants" pour le gouvernement, en matière d’insécurité notamment.
Pour étayer ses accusations, le journal a publié le 20 février une vidéo (voir ci-dessous), dans laquelle on entend Juan Antonio Hernández Varela ordonner à ses collaborateurs de créer de faux comptes sur les réseaux sociaux, afin de "profiter de la liberté du bourbier" offerte par les réseaux sociaux, pour répondre aux "attaques". Depuis, Hernández Varela a renoncé au poste, le 4 mars, sans explication officielle. Roberto Naif Kuri a été désigné pour le remplacer.
Reporters sans frontières appelle les autorités à cesser d’utiliser les réseaux sociaux pour jeter le discrédit sur des journalistes. Ces derniers ne font que réaliser leur travail – y compris en enquêtant sur des sujets pouvant embarrasser les autorités – afin d’informer au mieux les citoyens. Les réseaux sociaux doivent être utilisés pour informer, et non pour désinformer la population.
Reporters sans frontières exprime par ailleurs sa profonde inquiétude quant aux menaces reçues par l’administrateur de la page Facebook "Valor por Tamaulipas", dont le seul tort a précisément été d’informer ses compatriotes des faits de violence liés au narcotrafic ayant cours dans l’État de Tamaulipas. Des violences liées à la guerre que se livrent les cartels de la drogue depuis 2004 pour le contrôle du territoire.
Le 13 février 2013, la tête de l’administrateur de cette page, créée le 1er janvier 2012, a été mise à prix à Ciudad Victoria, la capitale de l’Etat de Tamaulipas. Pas moins de 600.000 pesos – soit près de 50.000 US$ – ont été offerts à quiconque fournirait des informations permettant d’identifier le blogueur ou des membres de sa famille. Déjà inquiété à plusieurs reprises par les cartels de la drogue – comme le cartel du Golfe via la page Facebook "Antivalor por Tamaulipas" (créée le 11 juillet 2012) – le blogueur a indiqué à l’AFP que la menace pourrait venir "d’autorités corrompues", liées au cartel Los Zetas cette fois-ci. Il a confié à Reporters sans frontières être menacé pour avoir dénoncé sur sa page Facebook – suivie par 169.000 personnes – "ce qui se passe dans cet État", estimant que le gouvernement de Tamaulipas collabore directement avec le crime organisé.
Depuis des années, les réseaux sociaux sont devenus les seules sources d’informations sur cette guerre. De fait, les médias traditionnels ont renoncé – parfois publiquement – à parler des ravages liés au narcotrafic, afin de protéger la vie de leurs journalistes, suite à l’assassinat de plusieurs d’entre eux. L’État de Tamaulipas est d’ailleurs connu au Mexique pour être une "zone de silence". Un silence que tentent de combler les blogueurs, devenus à leur tour la cible du crime organisé. Ce fut le cas de la journaliste María Elizabeth Macías, qui tenait le blog "La Nena de Nuevo Laredo", dans lequel elle dénonçait le narcotrafic, retrouvée décapitée, le 24 septembre 2011.
Le gouvernement fédéral aurait conclu un accord avec les autorités étatiques visant à ne pas communiquer sur les faits de violence, selon une déclaration du gouverneur de l’Etat du Colima, Mario Anguiano Moreno, fin janvier 2013. Le but ? Diminuer le sentiment d’insécurité qui règne dans le pays.
Ces différents cas ont été évoqués par Reporters sans frontières parmi les recommandations qui seront examinées lors de la 17ème session de l’Examen Périodique Universel. L’organisation appelle notamment le pays à réformer en profondeur son système judiciaire, afin de lutter contre l’impunité et d’assurer une protection réelle des journalistes et blogueurs. Reporters sans frontières appelle aussi les autorités à renforcer les mesures de sécurité et de protection des données personnelles sur Internet, afin que l’utilisation des réseaux sociaux ne devienne pas source de danger.
Recommandations soumises par Reporters sans frontières au Conseil des droits de l’homme de l’Onu, qui examinera le cas du Mexique lors de la 17ème session de l’Examen Périodique Universel :
Publié le
Updated on
20.01.2016