Journalistes espionnés en Géorgie : RSF attend des résultats rapides de l’enquête
Après des fuites ayant révélé une surveillance de masse présumée de la société géorgienne de la part des services secrets, au moins cinq journalistes confirment avoir été la cible de ces écoutes. Reporters sans frontières (RSF) attend des résultats rapides d’une enquête qui doit être menée en toute transparence.
Au moins cinq journalistes géorgiens ont confirmé avoir été la cible d'écoutes illégales suite aux révélations d’un lanceur d’alerte. Ce dernier, qui se présente comme un ancien employé du Service de sécurité de l’État géorgien a publié dans la nuit du 12 au 13 septembre des milliers de fichiers contenant des informations présumées issues d’écoutes illégales qui visaient essentiellement des membres du clergé orthodoxe, mais aussi des diplomates, des militants et des journalistes.
“Ces écoutes, si leur véracité est confirmée, sont, par leur ampleur, particulièrement inquiétantes en plus d’être illégales et inacceptables, déclare la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF Jeanne Cavelier. Nous demandons aux autorités géorgiennes l’arrêt immédiat de cette surveillance inouïe et de veiller à la transparence et l’indépendance totale de l’enquête ouverte par le procureur ce 14 septembre. D’autres enquêtes sur de précédentes affaires d’espionnage sont restées lettre morte : étant donnée la gravité de la situation, nous espérons cette fois des résultats rapides.”
Au moins cinq journalistes de médias critiques expliquent avoir retrouvé la teneur de conversations privées et professionnelles dans les “briefings de sécurité” ayant fuité. Le rédacteur en chef du service d’information de Pirveli TV, Nodar Meladze, a noté entre autres la présence d’échanges qu’il a eus avec des évêques orthodoxes. “Dans certains cas, [les agents] découvraient le matin ce sur quoi le journaliste travaillait", a-t-il déclaré, affirmant qu'ils préparaient ensuite des notes d'information sur les reportages à venir.
La reporter de Formula TV Nino Vardzelashvili a confirmé avoir retrouvé la transcription exacte de sa conversation téléphonique avec un archevêque datant de février 2021. Eka Kvesitadze, présentatrice sur la chaîne Mtavari Arkhi TV, a quant à elle reconnu dans les fichiers des détails de ses appels durant deux ans avec une source au sein du clergé ainsi que ses échanges avec une autre journaliste, Ninia Kakabadze, sur l’un des évêques.
Levan Sutidze, rédacteur en chef de Tabula online, a vu également son nom apparaître plusieurs fois dans certains documents, dont l’un datant de 2014 dévoile que le service de sécurité a espionné pour connaître à l’avance le nom des invités dans son émission. L’ancien rédacteur en chef du site d’information On.ge Gela Bochikashvili a souligné que certaines de ses conversations téléphoniques professionnelles ont été enregistrées, notamment avec des membres du Patriarcat orthodoxe.
Le premier ministre Irakli Garibashvili a d’abord accusé le parti d’opposition d’avoir monté cette affaire de toutes pièces, avant d'évoquer la “possibilité” d’une mise sur écoute du Patriarcat. Cette “fuite” extrêmement préoccupante intervient dans un contexte de fortes tensions politiques, alors que des élections locales sont prévues le 2 octobre.
La Géorgie occupe la 60e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2021 établi par RSF.