Journalistes accusés de terrorisme : en Inde, la répression continue au Jammu-et-Cachemire

Déjà poursuivi sur la base de plusieurs sections du Code pénal, le journaliste indépendant Majid Hyderi, connu sous le nom de Jimmy, est désormais détenu en vertu de la loi sur la sécurité publique (PSA) au Jammu-et-Cachemire. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une détention abusive et appelle les autorités à libérer le journaliste au plus vite.

Et de six. Ils sont désormais plus d’une demi-dizaine de journalistes à croupir dans les geôles du Jammu-et-Cachemire, territoire de l’Union dans le nord de l’Inde, depuis que le journaliste indépendant Majid Hyderi a été arrêté à Srinagar, la capitale régionale, par la police locale le 15 septembre. Détenu sur la base d’un procès verbal introductif invoquant les sections 120-B, 177, 386 et 500 du Code pénal indien, il a été libéré sous caution le lendemain, puis à nouveau  arrêté ce même 16 septembre, en vertu de la loi controversée sur la sécurité publique (Public Safety Act ou PSA), censée s’appliquer contre toute menace directe pour la sécurité de l’État.

“Après l’incarcération de l’ancien rédacteur en chef du site d’information The Kashmir Walla, Fahad Shah, et la fermeture de son média, cette nouvelle arrestation signe définitivement la mort du journalisme indépendant au Jammu-et-Cachemire. Rien ne justifie le fait que la police puisse enfermer un journaliste au même titre qu’un terroriste. Les autorités locales prouvent une nouvelle fois qu’elles ne tolèrent aucune critique, y compris celles des voix les plus modérées. RSF appelle le ministre de l’Intérieur Amit Shah à intervenir immédiatement afin d’ordonner la libération inconditionnelle du journaliste, ainsi que celle des autres journalistes emprisonnés.

Le bureau Asie du Sud
Reporters sans frontières

Journaliste indépendant, Majid Hyderi a été rédacteur pour le quotidien local basé à Srinagar Greater Kashmir, contributeur pour le portail d’information destiné à un jeune public DailyO.in, et l’invité de nombreuses chaînes de télévision pour des sujets d’actualité politique. Connu pour ses prises de position politiques modérées, le journaliste dénonçait en revanche la corruption au sein de la bureaucratie cachemirie, et l’inaction des autorités de New Delhi face à ce fléau. Majid Hyderi critiquait également les attaques commises contre les forces de sécurité sur place, qu’elles concernent la police locale ou l’armée.

Prison surpeuplée

Son incompréhensible arrestation le 15 septembre, pour des motifs tels que “association de malfaiteurs”, “extorsion”, “intimidation“diffamation”, ou “diffusion de fausses informations” et qui pourraient lui valoir jusqu’à 14 ans de prison – démontre une volonté des autorités de faire taire tout journaliste un tant soit peu critique.

L’affaire prend une tournure plus aberrante encore : libéré sous caution le 16 septembre, Majid Hyderi est arrêté une seconde fois, le jour même, mais cette fois en vertu de la loi PSA. La loi PSA de 1978, qui s’applique spécifiquement au Jammu-et-Cachemire, est très controversée car elle autorise la détention, sans procès ni mandat d’arrêt, de tout individu pendant une période pouvant aller jusqu'à deux ans. Le journaliste est actuellement emprisonné à Kot Bhalwal, une prison surpeuplée située dans la ville majoritairement hindoue de Jammu, à environ 300 km de chez lui.

Mort du journalisme indépendant au Cachemire 

Le territoire du Jammu-et-Cachemire est malheureusement devenu le cimetière du journalisme indépendant, en particulier depuis la révocation, en 2019, de l’article 370 de la Constitution qui garantissait une autonomie limitée à cet État. Depuis, la situation pour les journalistes s’est encore davantage détériorée et de nombreuses voix susceptibles de critiquer la politique du gouvernement nationaliste hindou du Premier ministre Narendra Modi sont poursuivies en vertu de lois dites “préventives”, détournées de leur but initial pour réprimer les journalistes indépendants.

Le 19 août dernier le portail d’information indépendant The Kashmir Walla a été suspendu de manière arbitraire par le ministère indien de l’Électronique et des Technologies de l’information. Harcelés depuis plusieurs années par la justice, certains journalistes du média sont, ou ont été, visés par la loi PSA. C’est le cas de Fahad Shah.  L’ancien rédacteur en chef de ce site d’information est poursuivi notamment pour “glorification du terrorisme”, et détenu en vertu dudit texte de mars 2022 à avril 2023. Malgré l’annulation, de sa détention  par la Haute Cour du Jammu-et-Cachemire, qui a considéré les qui a considéré les motifs invoqués comme étant invoqués comme étant “vagues et sans fondements”, le journaliste reste emprisonné en vertu d’une autre loi, la loi UAPA, la loi UAPA  sur la prévention des activités illégales (Unlawful Activities Prevention Act). 

La loi UAPA a également été utilisée pour la détention, au mois de mars dernier, du journaliste indépendant et directeur du Wande Magazine Irfan Mehraj, soupçonné de neuf chefs d’accusation, qui vont de la “sédition” au “financement du terrorisme”.



Selon le baromètre 2023 de RSF, en Inde, neuf journalistes sont à ce jour enfermés de manière arbitraire. Les journalistes en question sont Nilesh Sharma, rédacteur en chef du site d’information en ligne Indiawriters.co.in, Gautam Navlakha, éditorialiste pour le site d’information NewsClick, ainsi que le journaliste indépendant Rupesh Kumar Singh. Les six autres sont cachemiris. Il s’agit d’Aasif Sultan, accusé d’avoir “hébergé des terroristes”, et de plusieurs rédacteurs et contributeurs de The Kashmir Walla, dont Abdul Aala Fazili, Fahad Shah, Sajad Gul, et aussi Irfan Mehraj et désormais Majid Hyderi.

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