Journée sans presse pour protester contre l'élargissement des pouvoirs de l'autorité de régulation des médias
Organisation :
Reporters sans frontières apporte son soutien aux initiatives des professionnels des médias togolais protestant contre l'adoption d'une loi qui accorde des pouvoirs supplémentaires à la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication.
Cette loi, adoptée par le Parlement le 19 février dernier, est actuellement étudiée par le Conseil constitutionnel, à la demande du président de la République togolaise. La Cour constitutionnelle statuera le 13 mars.
La Constitution togolaise dispose que "l’interdiction de diffusion de toute publication ne peut être prononcée qu’en vertu d’une décision de justice", or la loi autorise la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication, un organe administratif, à suspendre provisoirement un média de presse écrite ou, dans le cas d’un média audiovisuel, à lui retirer définitivement son autorisation d’exploitation si elle l'estime en infraction avec la loi.
Le mardi 12 mars 2013, à l'appel de huit organisations de professionnels des médias, les médias audiovisuels, la presse écrite et la presse en ligne observeront une "journée sans presse". Le lendemain, une manifestation rassemblera les opposants à cette loi, qui, pour l'occasion, porteront du rouge. Enfin, le jeudi 14 mars, un sit-in sera organisé devant le Palais de la Présidence de la République.
Le 18 février dernier, Reporters sans frontières s'est adressée au Premier ministre togolais, monsieur Ahoomey-Zunu, pour demander le retrait du projet de loi.
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18.02.2013 - L'autorité de régulation des médias en passe d'obtenir des pouvoirs de censure anticonstitutionnels
Le 18 février 2013, Reporters sans frontières a adressé une lettre au Premier ministre togolais, monsieur Ahoomey-Zunu, pour demander le retrait d'un projet de loi renforçant les pouvoirs de sanction de la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication. L'adoption de ce projet par le Parlement devrait être votée le 19 février prochain.
Ce projet de loi prévoit d'étendre le pouvoir de sanction de l'autorité de régulation des médias en lui permettant, en cas d'infraction à la loi, de suspendre provisoirement un média de presse écrite ou, dans le cas d'un média audiovisuel, de lui retirer définitivement son autorisation d'exploitation. La Constitution togolaise dispose pourtant que "l’interdiction de diffusion de toute publication ne peut être prononcée qu’en vertu d’une décision de justice".
Télécharger le projet de loi :
Préparée unilatéralement par le gouvernement, cette modification législative rencontre une forte opposition de la profession. Les organisations de la presse ont publié, le 15 février dernier, un communiqué commun "invitant expressément le gouvernement à retirer le projet de loi". En marge du vote parlementaire, un sit-in de protestation pacifique sera organisé le 19 février 2013, à 8h, devant le Palais des Congrès, siège du parlement togolais.
En 2009, l'indignation de Reporters sans frontières devant le renforcement des pouvoirs de la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication avait incité le président Faure Gnassingbé à ne pas promulguer la loi votée par le Parlement.
Lire la lettre envoyée par Reporters sans frontières au Premier ministre Ahoomey-Zunu :
Monsieur Ahoomey-Zunu
Premier Ministre
Lomé - Togo
Paris, le 18 février 2013 Objet : Dangers pour la liberté de l'information du projet de renforcement des pouvoirs de la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication Monsieur le Premier ministre, Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de l'information, souhaite vous faire part de sa désapprobation concernant le projet de modification de la loi organique n°2009-029 actuellement en discussion au Parlement. En donnant des pouvoirs de sanction trop importants à la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication, ce projet de loi met en danger la liberté de l'information au Togo et contrevient aux dispositions constitutionnelles. L'article 26, alinéa 3, de la Constitution dispose en effet que "La presse ne peut être assujettie à l’autorisation préalable, au cautionnement, à la censure ou à d’autres entraves. L’interdiction de diffusion de toute publication ne peut être prononcée qu’en vertu d’une décision de justice". La Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication n'étant pas un organe juridictionnel, elle ne peut être habilitée à adopter des sanctions à l'encontre des médias. En outre, la suspension d'un média ou le retrait de son autorisation d'exploitation sont des actes graves qui doivent demeurer exceptionnels. Il est nécessaire de vérifier, au cours d'une procédure contradictoire, par des juges indépendants, si d'autres sanctions moins contraignantes sont possibles. Les pouvoirs de sanctions attribués par ce projet de loi à la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication sont d'une telle gravité qu'ils ne peuvent être justifiés par aucune considération "d'urgence ou de manquement aux obligations" légales. La Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication, qui "a pour mission de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse", ne doit pas devenir une instance de censure. Reporters sans frontières vous presse de retirer ce projet de loi et d'organiser une consultation avec les organisations de presse locales pour débattre des violations des règles déontologiques qui inquiètent votre gouvernement. Les solutions qui ne manqueront pas d'émerger d'une telle rencontre bénéficieront de l'appui des professionnels des médias et jouiront ainsi d'une plus grande crédibilité que le projet de réforme actuellement présenté au Parlement. La perte de quatre places du Togo au classement 2013 de la liberté de la presse par rapport à l'année précédente doit être perçue comme un signal d'alerte. Il est impératif que votre gouvernement s'engage dans une politique favorable à la liberté de l'information. En espérant que vous serez sensible à notre requête, je vous prie d'agréer, Monsieur le premier ministre, l'assurance de ma haute considération. Christophe Deloire,
Secrétaire général de Reporters sans frontières Photo : AFP / Emile Kouton
Premier Ministre
Lomé - Togo
Paris, le 18 février 2013 Objet : Dangers pour la liberté de l'information du projet de renforcement des pouvoirs de la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication Monsieur le Premier ministre, Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de l'information, souhaite vous faire part de sa désapprobation concernant le projet de modification de la loi organique n°2009-029 actuellement en discussion au Parlement. En donnant des pouvoirs de sanction trop importants à la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication, ce projet de loi met en danger la liberté de l'information au Togo et contrevient aux dispositions constitutionnelles. L'article 26, alinéa 3, de la Constitution dispose en effet que "La presse ne peut être assujettie à l’autorisation préalable, au cautionnement, à la censure ou à d’autres entraves. L’interdiction de diffusion de toute publication ne peut être prononcée qu’en vertu d’une décision de justice". La Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication n'étant pas un organe juridictionnel, elle ne peut être habilitée à adopter des sanctions à l'encontre des médias. En outre, la suspension d'un média ou le retrait de son autorisation d'exploitation sont des actes graves qui doivent demeurer exceptionnels. Il est nécessaire de vérifier, au cours d'une procédure contradictoire, par des juges indépendants, si d'autres sanctions moins contraignantes sont possibles. Les pouvoirs de sanctions attribués par ce projet de loi à la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication sont d'une telle gravité qu'ils ne peuvent être justifiés par aucune considération "d'urgence ou de manquement aux obligations" légales. La Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication, qui "a pour mission de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse", ne doit pas devenir une instance de censure. Reporters sans frontières vous presse de retirer ce projet de loi et d'organiser une consultation avec les organisations de presse locales pour débattre des violations des règles déontologiques qui inquiètent votre gouvernement. Les solutions qui ne manqueront pas d'émerger d'une telle rencontre bénéficieront de l'appui des professionnels des médias et jouiront ainsi d'une plus grande crédibilité que le projet de réforme actuellement présenté au Parlement. La perte de quatre places du Togo au classement 2013 de la liberté de la presse par rapport à l'année précédente doit être perçue comme un signal d'alerte. Il est impératif que votre gouvernement s'engage dans une politique favorable à la liberté de l'information. En espérant que vous serez sensible à notre requête, je vous prie d'agréer, Monsieur le premier ministre, l'assurance de ma haute considération. Christophe Deloire,
Secrétaire général de Reporters sans frontières Photo : AFP / Emile Kouton
Publié le
Updated on
20.01.2016