Iran : RSF alerte sur la recrudescence des arrestations musclées de journalistes

Après une baisse momentanée des arrestations, la République islamique d’Iran a repris sa répression féroce contre les journalistes. Reporters sans frontières (RSF) exige que les autorités iraniennes libèrent les journalistes détenus et qu’elles cessent de terroriser l’ensemble de la profession dans le pays.

Mise à jour 24/05 : La rédactrice en chef du site Internet en persan Iran Wire, Shima Shahrabi explique dans un article publié ce jour que son frère Sajjad Shahrabi a été arrêté afin de faire pression sur elle. Leur père et d'autres membres de leur famille ont également été convoqués par le ministère du Renseignement et interrogés sur ses activités ainsi que celles d'Iran Wire, l'un des principaux médias iraniens basé hors du pays. L'arrestation de Sajjad Shahrabi est un nouvel exemple des tactiques d'intimidation et de pression utilisées par le régime des mollahs contre les journalistes iraniens et les médias en exil. 

Violentée lors de la perquisition  de son domicile par sept agents des forces de l’ordre, la photojournaliste indépendante et militante des droits des femmes Alieh Motalebzadeh, doit être interrogée par le bureau du procureur à la prison d’Evin, à Téhéran, ce mardi 16 mai. Ce que le pouvoir iranien lui reproche ? Avoir participé à une conférence en ligne le 21 avril intitulée "Dialogue pour sauver l'Iran". Elle réunissait journalistes et professeurs d’université autour des défis face à la politique répressive du gouvernement et la corruption des fonctionnaires. Le 20 avril, peu après avoir rendu publique sa présence à cet événement, l’ancien rédacteur en chef du mensuel Iran Farda Keyvan Samimi a été arrêté prétendument pour avoir contacté “une secte déviante à l’étranger”. Détenu plusieurs jours dans un lieu inconnu, il est depuis le 10 mai derrière les barreaux de la prison d’Evin. 

Le journaliste radio de la chaîne publique Islamic Republic of Iran Broadcasting (IRIB) Sajjad Shahrabi a, lui aussi, été arrêté le 3 mai dernier et conduit à la prison d’Evin après la perquisition du domicile de son père où il résidait. Son téléphone et son ordinateur portable lui ont été confisqués par les autorités iraniennes. On ignore pour l’instant les charges retenues contre lui.

Journalistes agressés, arrêtés puis détenus au secret, perquisition de leur domicile :  La résurgence d’un climat de peur à l’égard des journalistes iraniens est inadmissible. Nous demandons la libération inconditionnelle de tous les journalistes emprisonnés et l'arrêt immédiat de ces méthodes éculées d'intimidation.

Jonathan Dagher
Responsable du bureau Moyen-Orient de RSF

"Ma mère était seule, l'un des officiers s'est battu physiquement avec elle", a témoigné la fille d'Alieh Motalebzadeh sur Twitter en publiant une photo de la porte d'entrée de son domicile fracturée par les forces de l’ordre. “Ils lui ont pris son téléphone et tous ses appareils électroniques, ils ont saccagé sa maison pendant plus de quatre heures", a-t-elle ajouté. La photojournaliste indépendante et vice-présidente de l'Association de défense de la liberté de la presse, avait déjà été arrêtée en 2016, après une violente perquisition. Libérée sous caution un mois après, elle avait été renvoyée le 11 octobre 2020 à la prison d'Evin pour purger une peine de trois ans pour "activité contre la sécurité nationale". Après une brève permission de sortie à la suite de négligences médicales et de menaces de mort en prison, elle a de nouveau été arrêtée le 12 avril 2022, avant d'être finalement graciée le 10 février dernier, en même temps que d'autres journalistes. 

Journaliste chevronné de 73 ans, connu pour son activisme, Keyvan Samimi, venait, quant à lui, d’être libéré en janvier dernier, après avoir été incarcéré plus de deux ans par la République Islamique. Il avait été arrêté le 24 août 2020 à la prison d'Evin, à la suite d’une convocation, et condamné à trois ans de réclusion. Keyvan Samimi avait déjà passé de nombreuses années derrière les barreaux avant et après la révolution iranienne de 1979 pour ses activités journalistiques et militantes.

Depuis le début des manifestations populaires, en réaction à la mort de Mahsa Amini le 16 septembre 2022, 75 journalistes iraniens ont été arrêtés, dont 17 sont toujours en prison. Malgré une vague d'amnistie accordée à plusieurs journalistes en mars 2023, nombre d'entre eux sont toujours harcelés, surveillés ou menacés. Selon les informations de RSF, au moins une grâce accordée à un journaliste en exil a récemment été révoquée.

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