Insultes et projet de loi sur la diffamation : RSF s’inquiète des menaces sur les journalistes en République serbe de Bosnie
Insultes envers les journalistes et projet de loi menaçant la liberté de la presse : les autorités politiques sapent le droit à l'information en République serbe de Bosnie, entité régionale de la Bosnie-Herzégovine. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités de traiter les journalistes comme des partenaires et non comme des ennemis.
Le 8 mars dernier, la voiture du journaliste des médias en ligne EuroBlic et Srpskainfo, Nikola Moraca, ainsi que le véhicule de fonction d’Aleksandar Trifunovic ont été endommagés. Aux yeux de ce dernier, rédacteur-en-chef d'autre média en ligne, Buka, c’est “une tentative d'intimidation typique” qui fait suite aux invectives verbales proférées, le même jour, par le président de la République serbe de Bosnie, Milorad Dodik. Lors d’une conférence de presse, il s’en ai pris directement à Sinisa Vukelic, président du Club des journalistes de Banja Luka, la capitale de l’entité serbe, et à ses confrères journalistes, les qualifiant de “connards qui mentent, subvertissent, rackettent depuis des années et veulent s’acheter la communauté journalistique pour, soi-disant, la protéger”.
Cette violente injure est une réaction aux critiques émises par les journalistes à l’égard d’un projet de loi pouvant porter atteinte au droit d’informer. En effet, après avoir compté parmi les premiers pays des Balkans à dépénaliser la diffamation il y a 20 ans, la Bosnie-Herzégovine semble sur le point de faire machine arrière. Le gouvernement de la République serbe a soumis à son parlement, début mars, des amendements au Code pénal visant à criminaliser à nouveau la diffamation. Une mesure fortement contestée par de nombreux médias locaux, qui craignent des procédures-bâillons.
“Nous demandons à Milorad Dodik de s’excuser auprès des journalistes pour les insultes proférées qui les ont manifestement exposés à des attaques matérielles. Les autorités doivent traduire les auteurs de ces faits en justice. Nous appelons aussi le parlement de République serbe à s'opposer au projet de loi visant à criminaliser de nouveau la diffamation et à associer au processus législatif les représentants des journalistes. Les journalistes doivent être traités en partenaires et non en ennemis.
Si la protection contre la diffamation est un droit légitime et si le projet de loi ne prévoit pas pour le moment de peines privatives de liberté, il risque de conduire à des poursuites abusives contraignant les journalistes au silence sur certains sujets. D’autant plus que la communauté journalistique bosnienne n’a aucunement été consultée en amont. Les amendements au Code pénal prévoient des amendes allant jusqu’à 25 000 euros. Une somme astronomique qui, en cas de condamnation, menacerait l’existence de certains médias. Les rapporteurs de l’ONU sur la liberté d’expression et la liberté d’association dénoncent ce projet de loi qu’ils considèrent comme une menace à la liberté de la presse en raison de termes légaux vagues et de sanctions disproportionnées. De surcroît, les amendements vont à l'encontre de l’ambition de la Bosnie-Herzégovine d'intégrer l’Union européenne. La Commission européenne a adopté, il y a un an, des mesures anti-SLAPP pour lutter contre les poursuites abusives - dont la dépénalisation de la diffamation - qui devront ultérieurement être reprises par les pays souhaitant adhérer à l’UE.
La Bosnie figure à la 67e place sur 180 au Classement mondial pour la liberté de la presse établi par RSF en 2022.