Hong Kong : alors que plus de 900 journalistes ont perdu leur travail depuis la loi sur la sécurité nationale, des médias se reconstruisent en exil
Quatre ans après l’entrée en vigueur de la draconienne loi sur la sécurité nationale, qui a précipité le déclin de la liberté de la presse à Hong Kong, Reporters sans frontières (RSF) se penche sur le sort des journalistes en exil et appelle à un plus grand soutien aux médias de la diaspora.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong le 30 juin 2020, au moins 900 journalistes ont perdu leur emploi, d'après les chiffres de RSF. Des centaines d’entre eux ont décidé de partir à l'étranger, et dix médias ont été créés par la diaspora dans des pays tels que Taïwan ou le Royaume-Uni. "Seuls 5 % de mes anciens collègues du quotidien Apple Daily continuent à travailler comme journalistes, la majorité d'entre eux ont changé de voie", explique la rédactrice en chef de Photon Media, Shirley Leung Ka Lai. "Quitter Hong Kong m'a donné un grand sentiment d’impuissance, mais fonder un nouveau média m'a permis de me sentir résistante et moins coupable d'avoir laissé ma patrie derrière moi", ajoute-t-elle.
"Alors que les médias de la diaspora représentent une source d'information inestimable à Hong Kong, où la liberté de la presse est en chute libre, ils restent vulnérables et peinent trop souvent à devenir économiquement viables. Nous appelons la communauté internationale à apporter aux journalistes exilés et à leurs médias un soutien effectif, notamment en ouvrant le régime des visas et en mettant en place des programmes ambitieux de subventions et de développement.
Les 10 derniers médias créés sont principalement des journaux en ligne, tels que Photon Media basé à Taiwan, Chaser et Green Bean Media au Royaume-Uni, et Points Media, dont les journalistes travaillent dans le monde entier. Le dernier en date est The Hong Konger, un magazine en ligne créé par des journalistes exilés au Royaume-Uni, qui "considère Hong Kong comme un concept allant au-delà de sa situation géographique".
L’effet des “lignes rouges”
Avec la très stricte loi sur la sécurité nationale, les journalistes restés à Hong Kong doivent composer avec les nouvelles “lignes rouges” – c'est-à-dire les sujets tabous pour les journalistes – imposés par la Chine, laissant aux médias de la diaspora le soin de couvrir les sujets sensibles et de contrer la désinformation qui provient du régime chinois. "Actuellement, tous les médias existants à Hong Kong pratiquent l'autocensure à des degrés divers. Les médias situés en dehors de Hong Kong peuvent couvrir des sujets avec une relative liberté, sans "lignes rouges", et sélectionner des informations ou des angles qui ont déjà "disparu" à Hong Kong", explique l’ancien rédacteur en chef de l'Apple Daily Edward Ka Chung Li.
Des défis à relever
L'avenir des médias hongkongais en exil reste incertain en raison de difficultés financières. “Les médias de la diaspora à l’étranger manquent de ressources et de personnel. Afin de préserver leur indépendance, ils ne comptent pas sur la publicité, mais plutôt sur les abonnements des lecteurs”, explique Edward Ka Chung Li. "Depuis la promulgation de la loi sur la sécurité nationale, les dons aux médias de la diaspora par le biais du crowdfunding peuvent être considérés comme un soutien à des forces étrangères, et même les abonnements ont chuté de manière significative, ce qui a rendu difficile la poursuite de notre travail", ajoute Shirley Leung Ka Lai.
Ces quatre dernières années, la Chine a utilisé les lois comme prétexte pour poursuivre au moins 28 journalistes, collaborateurs des médias et défenseurs de la liberté de la presse, dont dix sont toujours sous les verrous, et pour imposer la fermeture de deux principaux médias indépendants, Apple Daily et Stand News. En parallèle, les associations de journalistes ont été harcelées à plusieurs reprises par les autorités, ce qui a instillé un climat de peur qui a conduit au moins cinq petits médias à cesser leurs activités. En outre, une représentante de RSF s'est vu interdire l'entrée sur le territoire.
RSF a fourni une assistance financière à 460 journalistes dans 62 pays en 2023, y compris à Hong Kong, les deux tiers de l'aide financière couvrant les coûts de relocalisation ou de réinstallation des journalistes exilés. RSF a également développé un ambitieux programme de renforcement des compétences des journalistes couvrant la Chine, y compris Hong Kong. L’organisation a ainsi offert à au moins 890 journalistes des formations en ligne comme en personne, en chinois mandarin, en cantonais et en anglais.
Hong Kong est classée 135e au Classement mondial de la liberté de la presse 2024 de RSF, ayant dégringolé de la 18e place en l'espace de deux décennies. La Chine occupe quant à elle la 172e place sur les 180 pays et territoires étudiés.