Grèce : RSF s’inquiète de la possible condamnation d’un journaliste franco-canadien pour une allégation de fausse alerte à la bombe
Le reporter Romain Chauvet est accusé d’avoir émis une fausse alerte à la bombe concernant un avion en provenance d’Israël avec des ressortissants canadiens à son bord. En reportage à l’aéroport pour couvrir l’arrivée de l’appareil, il a été arrêté et doit comparaître devant le juge le 26 octobre prochain. Reporters sans frontières (RSF) appelle la justice grecque à rendre une décision indépendante après avoir pris en compte des éléments incohérents de l’accusation.
Mise à jour du 26/10/23 : Accusé d’être l’auteur d’une fausse alerte à la bombe, Romain Chauvet a été condamné par un tribunal d’Athènes à six mois de prison avec sursis pour “diffusion de fausses informations”. RSF est choquée de la condamnation d’un journaliste basée sur un dossier sans preuves solides, dans une procédure parole contre parole dans le cadre de laquelle le doute aurait dû profiter à l’accusé. L’organisation continuera à l’accompagner en attendant la décision en appel. Bien que le verdict ne vise pas une publication journalistique, il représente potentiellement un dangereux précédent dans l’application de la loi contre les fausses informations. C’est la première fois depuis des années que cette législation sert à condamner un journaliste.
Jusqu’à trois ans de prison avec sursis. C’est la peine que risque le reporter indépendant Romain Chauvet, qui travaille en Grèce pour plusieurs médias canadiens et français, à l’issue d’un procès en flagrance pour "diffusion de fausses informations" selon l'article 191 du Code pénal grec.
Le 12 octobre dernier, alors qu’il s’apprête à couvrir le rapatriement de ressortissants canadiens en provenance d’Israël via Athènes, en raison de la guerre au Moyen-Orient, le correspondant de Radio Canada, de la chaîne d'information française BFMTV et du site d’information Courrier des Balkans est arrêté. Accusé d’avoir lancé une fausse alerte à la bombe concernant cet avion, Romain Chauvet est placé en garde à vue pendant 24 heures. Il doit comparaître devant un juge grec le 26 octobre prochain. Il est la cible, depuis son arrestation, d’une large médiatisation rapportant, pour seule source, les propos de la police l’accusant d'avoir “voulu tester les systèmes de sécurité de l’aéroport”.
Or, l’accusation visant le journaliste ne semble être basée que sur le seul témoignage d’une agente au guichet à l'aéroport international d’Athènes. Celle-ci affirme, selon les propos des policiers rapportés à RSF par le reporter, que Romain Chauvet lui a indiqué la présence d’une bombe à bord de l’appareil canadien. Niant cette accusation, le journaliste explique quant à lui avoir simplement voulu se renseigner, auprès d’elle, sur l’heure exacte d’arrivée de l’avion. Le journaliste était muni d’une confirmation d'autorisation de tournage émise par le service presse de l’aéroport
“Nous appelons la justice grecque à tenir compte de la faiblesse des éléments retenus contre Romain Chauvet dans un dossier qui ne tient pas debout. Pourquoi un journaliste qui s'est signalé auprès des autorités aéroportuaires ferait-il une fausse alerte, pour ensuite rester dans l'aéroport dans l’attente de se faire arrêter ? Alors que la police s’est précipitée pour désigner le journaliste coupable auprès des médias, RSF appelle la justice grecque à faire preuve d'indépendance et d'impartialité.
À peine une heure après son arrestation, la police se précipite pour rapporter aux médias qu’un “journaliste a avoué vouloir tester les systèmes de sécurité de l’aéroport”. Un premier article paraît dans un média grec avec une ligne éditoriale proche du gouvernement, sans vérification. S’ensuit une médiatisation virale dans les médias du pays, en grec et en anglais.
Lors de ses interrogatoires, Romain Chauvet a été questionné sur la source qui lui aurait donné accès au numéro du vol en provenance d’Israël. Une information pourtant publiée dans les médias canadiens et visible sur l’application de trafic aérien en direct, FlightRadar24. Interrogé par RSF sur les preuves détenues contre le journaliste, le ministère grec de la Protection des citoyens, responsable des forces de l’ordre, assure simplement que l’arrestation de Romain Chauvet “est le résultat d'opérations d'enquêtes spéciales menées par les autorités de police de l'aéroport (analyse du matériel visuel des caméras de sécurité), qui ont permis de l'identifier”.
La Grèce occupe la 107e place sur 180 pays au Classement mondial pour la liberté de la presse établi par RSF en 2023, se classant ainsi dernier des pays de l’Union européenne.