France : RSF appelle les parlementaires à s’emparer d’urgence des propositions portées par les États généraux de l’information

À l’issue de neuf mois d’auditions et de concertations avec des professionnels, des citoyens et des chercheurs, les États généraux de l’information (EGI) ont rendu leur rapport au cœur duquel figurent dix propositions formulées par Reporters sans frontières (RSF). Le législateur doit maintenant mettre en œuvre cet ambitieux plan d’actions concrètes pour le monde de l’information en France. 

Ce jeudi 12 septembre ont été restitués les travaux des États généraux de l’information au Conseil économique, social et environnemental (CESE), en présence des citoyens ayant participé aux consultations et de l’ensemble des parties prenantes. Ce processus collectif et collaboratif lancé en octobre 2023 par le président de la République française, Emmanuel Macron, a organisé, neuf mois durant, 22 assemblées citoyennes et événements en régions et 174 auditions, et ont reçu 76 contributions écrites. 

Intitulé Protéger et développer le droit à l’information : une urgence démocratique, le rapport des États généraux de l’information comprend les propositions des groupes de travail ainsi que 17 recommandations formulées par le comité de pilotage, dont deux sont adressées aux professionnels de l’information. 

Auditionnée par les cinq groupes de travail auxquels elle a aussi soumis des contributions écrites, RSF a pu y porter ses recommandations et proposer des solutions pour une information indépendante, pluraliste et de qualité, et pour un espace informationnel démocratique sain et protégé. Dix d’entre elles figurent dans le rapport final. 

“Les propositions des États généraux de l’information esquissent un modèle français, ambitieux et innovant, pour rendre effectif le droit à l’information fiable. RSF se félicite que nombre de ses propositions, à commencer par la certification de l’information fiable et la protection du secret des sources, soient incluses dans le rapport final. Celui-ci traduit la vision et les solutions portées par Christophe Deloire à RSF et au sein des États généraux, articulant régulation et autorégulation, contexte national et sujets européens. Bien entendu, le document fait des impasses, manque parfois de concret et témoigne de frilosités ici ou là. Mais il appartient maintenant à la profession et aux parlementaires, dans une dynamique transpartisane, de s’emparer de ces propositions qui constituent un socle solide pour construire l’avenir du journalisme en France.

Thibaut Bruttin
Directeur général de RSF

Promotion d’une information fiable 

RSF salue la volonté du comité de pilotage des EGI de donner une large place à la protection et à la promotion d’une information fiable dans l’espace médiatique français et sur les plateformes en ligne. Cela passe notamment par une neutralisation de la “désinformation par une sensibilisation préventive à grande échelle” (proposition n°2), ainsi que par l’instauration d’une “obligation d’affichage des contenus d’information pour les très grandes plateformes” (proposition n°13). 

Dans cette perspective, la Journalism Trust Initiative (JTI), initiative déployée par RSF pour favoriser le journalisme de qualité, faire de sa pratique un réel avantage concurrentiel et, de ce fait, lutter contre la désinformation, est largement recommandée, notamment aux professionnels de l’information (recommandation n°1), par le comité de pilotage et les membres des groupes de travail des EGI. 

Protection du secret des sources

RSF note par ailleurs la volonté des EGI de “renforcer la protection du secret des sources et légiférer contre les procédures-bâillons” (recommandation n°5). Le rapport propose de clarifier le “périmètre de ‘l’impératif prépondérant d’intérêt public’” afin de “le réduire”. Il propose également de définir plus précisément par la loi les exceptions qu’elle autorise et de mettre en place une “autorisation préalable d’un juge des libertés et de la détention avant tout acte d’enquête ou d’instruction”

Cependant, la proposition de RSF d’élargir le champ des bénéficiaires de la protection des sources aurait permis de proposer un nouveau cadre plus ambitieux à une révision de la loi Dati sur la protection du secret des sources.

Pluralisme

RSF salue le souhait du comité de pilotage des EGI de garantir le pluralisme des médias dans le cadre des opérations de concentration (recommandation n°9), en particulier via la mise en place d’un seuil unique et plurimédia dans la loi de 1986 et une réaffIrmation du besoin de contrôle “à 360 degrés” du pluralisme par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), dans la continuité de la décision du Conseil d’État du 13 février 2024

Pour une meilleure gouvernance des médias

RSF se réjouit de voir des recommandations pour améliorer la gouvernance des médias d’information (recommandation n°4), en particulier la généralisation et la facilitation d’accès des chartes déontologiques, la généralisation des comités d’éthique à l’ensemble des médias d’information, la mise en place d’un administrateur indépendant au sein du conseil d’administration, chargé de veiller à l’indépendance et à la prévention des conflits d’intérêt ou encore à la protection du secret des sources journalistiques (recommandation n°5). RSF appelle à la mise en place de telles dispositions. 

Le droit d’agrément rejeté

RSF regrette cependant que le comité de pilotage n’ait pas souhaité reconnaître le droit d’agrément ou des mécanismes d’association des rédactions, condition sine qua non à une indépendance réelle des rédactions. En ce sens, l’organisation salue la proposition (n°8) du groupe de travail “L’État et la régulation” de “mettre en place une gouvernance spécifique des médias pour garantir l’indépendance des journalistes avec un droit de veto pour le choix du directeur des rédactions supérieures à une taille critique”

RSF affirme également son désaccord avec l’éventuel regroupement de la défense et de la lutte contre la désinformation sous l’autorité d’un même commissaire européen, en contradiction avec ses recommandations

Présidés par le président d’Arte, Bruno Patino, les travaux des États généraux de l’information étaient structurés en cinq groupes de travail, rassemblant une cinquantaine de personnalités, et guidés par un comité de pilotage, composé de la directrice générale adjointe du groupe La Poste, Nathalie Collin, de la professeure de l’université de Columbia Camille François, et de l’inspectrice générale des finances Anne Perrot. L’ancien directeur général de RSF Christophe Deloire, décédé brutalement le 8 juin dernier, en était le délégué général. Le rapport des EGI lui est dédié.   

 

Les dix recommandations de RSF présentes dans le rapport final des EGI

  1. “Neutraliser la désinformation par une sensibilisation préventive à grande échelle (pre-bunking)” (recommandation n°2)
  2. “Renforcer la protection du secret des sources et légiférer contre les procédures-bâillons” (recommandation n°5)
  3. “Redistribuer une partie de la richesse captée par les fournisseurs de services numériques en faveur de l’information” (recommandation n°8) 
  4. “Assurer le pluralisme des médias dans le cadre des opérations de concentration” (recommandation n°9) 
  5. “Pour une reconnaissance européenne du droit à l’information” (recommandation n°10) 
  6. “Instaurer un pluralisme effectif des algorithmes” (recommandation n°11)
  7. “Rendre le marché de l’intermédiation publicitaire en ligne plus concurrentiel pour permettre un partage de la valeur équilibré” (recommandation n°12)
  8. “Instaurer une obligation d’affichage des contenus d’information pour les très grandes plateformes” (recommandation n°13) 
  9. “La profession devrait s’engager dans une démarche volontaire et plurielle de labellisation” (recommandation n°1 du comité de pilotage aux professionnels de l’information)
  10. “La profession devrait commencer à construire un outil de gestion collective pour les médias d’information” (recommandation n°2 du comité de pilotage aux professionnels de l’information) 
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