Financement de l’audiovisuel public en France : RSF déplore une discussion législative dictée par l’urgence

Alors que le financement de l’audiovisuel public par la TVA – impôt sur la consommation – doit prendre fin en décembre prochain, les discussions sur un nouveau modèle de financement pâtissent du caractère urgent de la situation. Reporters sans frontières (RSF) déplore ce manque d’anticipation et appelle le gouvernement et les parlementaires français à remettre cette question sur la table en 2025 pour donner au service public les moyens d’accomplir sa mission en toute indépendance. L’organisation propose qu’une taxation des grandes plateformes soit envisagée à l’avenir pour financer les médias publics.

Ce mercredi 23 octobre, le Sénat examinera en séance publique la proposition sénatoriale de loi organique sur le financement de l’audiovisuel public (PPLO), texte sur lequel le gouvernement a engagé une procédure accélérée. La solution instituée par la loi de finances rectificative pour 2022, du 16 août 2022, avait substitué à la contribution à l’audiovisuel public (redevance audiovisuelle) l’affectation d’une fraction du produit de la TVA. Un mécanisme qui ne peut toutefois pas être prolongé au-delà du 31 décembre 2024, en raison de son incompatibilité avec la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La PPLO portant réforme du financement de l’audiovisuel vise à pérenniser ce dispositif en modifiant la LOLF.

Or, cette solution, qui certes, répond à l’urgence de la situation, ne remplit pas pleinement les conditions de garanties d’indépendance de l’audiovisuel public. En effet, le montant de l’affectation serait rediscuté chaque année par les parlementaires, dans le cadre de la discussion relative au projet de loi de finances. Faute de l’inscrire dans une perspective pluriannuelle dans la loi de programmation des finances publiques, ce que RSF appelait déjà de ses vœux en 2022, la prévisibilité et la pérennité du financement de l’audiovisuel public n’est pas pleinement garantie.

“Si la PPLO répond à l’urgence de la situation et se soustrait aux risques d’un financement via des crédits budgétaires alloués par l’État, une solution de plus long terme doit être envisagée. Les logiques de bricolage mises en place depuis 2022 pour financer les médias publics doivent s’arrêter net et un mécanisme durable, stable et prévisible, garantie de leur indépendance, doit être trouvé. Cela passe notamment par l’inscription du budget de l’audiovisuel public dans une logique pluriannuelle. RSF propose que soit redistribuée une partie de la valeur capturée par les grandes plateformes numériques au détriment des médias publics pour leur financement.

Thibaut Bruttin
Directeur général de RSF

Fragilisé dès l’automne 2019 avec la fin progressive de la taxe d’habitation, sur laquelle était adossée la contribution à l’audiovisuel public, l’avenir du financement des médias publics est donc encore, cinq ans plus tard, incertain. La dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier a mis un coup d’arrêt aux chantiers législatifs sur le sujet, avant que certains ne soient repris durant l’été.

RSF déplore que d’autres solutions, de nature plus stable et progressive, n’aient pas été discutées. C’est la raison pour laquelle l’organisation appelle le gouvernement et les parlementaires français à proposer un mécanisme de financement plus à même de garantir la stabilité, la prévisibilité et la durabilité du financement de l’audiovisuel public, tel que défini par l’article 5 de la législation européenne sur la liberté des médias (EMFA). Ces discussions doivent être engagées dès 2025.

Taxer les grandes plateformes 

Dans la lignée de ses recommandations à l’Union européenne et de la proposition d’un New Deal pour le droit à l’information, RSF propose qu’une taxation des grandes plateformes soit envisagée pour financer les médias publics. Cette taxe pourrait être prélevée sur le chiffre d’affaires généré par les GAFAM en France, indépendamment de leur lieu d’établissement physique.

Le produit de cette taxe contribuerait au financement de l’audiovisuel public en France, en redistribuant une partie de la valeur capturée par les grandes plateformes numériques au détriment des médias publics.

La France se situe à la 21e place sur 180 pays du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024.

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