Les élections du dimanche 31 mars en Ukraine interviennent après quatre années d'une dégradation continue de la situation de la liberté de la presse dans le pays. La législature 1998-2002 a été marquée par une aggravation constante des violences physiques envers les journalistes.
Les élections du dimanche 31 mars en Ukraine interviennent après quatre années d'une dégradation continue et sans précédent de la situation de la liberté de la presse dans le pays. Malgré les engagements pris par les autorités suite aux pressions du Conseil de l'Europe, la législature 1998-2002 a été marquée par une aggravation constante des violences physiques envers les journalistes.
Au-delà des seules atteintes constatées ces dernières semaines à l'approche du scrutin électoral, cette violence endémique envers la presse pèse lourdement sur le libre droit d'informer depuis quatre ans en Ukraine. Elle constitue le plus grave obstacle à la libre information de l'opinion depuis les dernières élections parlementaires de 1998.
Sur la base des seuls faits recueillis et vérifiés par les correspondants de Reporters sans frontières, le bilan de ces quatre années est édifiant. Depuis 1998, dix journalistes ont été tués dans des circonstances non élucidées et 41 violemment agressés et sérieusement blessés : en 1998, un journaliste a été tué et neuf autres violemment agressés ; en 1999, trois journalistes ont été tués et sept violemment agressés ; en 2000, quatre journalistes ont été tués et sept violemment agressés ; pour la seule année 2001, deux journalistes ont été tués et
dix-huit violemment agressés ; depuis le 1er janvier 2002, un journaliste a été tué dans un accident de la circulation -mais dans des circonstances suspectes- et sept autres ont été agressés physiquement.
Les journalistes agressés l'ont été, dans la majorité des cas, dans des circonstances étrangement similaires (attaques dans la cage d'escalier de l'immeuble du domicile de la victime, coups à la tête…). Les journalistes assassinés travaillaient pour la plupart sur des affaires mettant en cause la milice, les services du parquet, ou des autorités politiques ou économiques, nationales ou locales, bien qu'il ne soit pas possible d'établir de façon définitive un lien certain entre plusieurs de ces meurtres et le travail journalistique des victimes. Les responsables des meurtres de journalistes n'ont, dans la plupart des cas, pas été identifiés. Lorsque des suspects ont été arrêtés (marginaux, drogués…) de graves doutes pèsent sur le sérieux de l'enquête. Dans les cas ayant eu le plus grand retentissement, en particulier celui de Géorgiy Gongadze, en 2000, et celui d'Igor Alexandrov, en 2001, parquet et police font puissamment obstacle à l'avancée des enquêtes. Les soupçons, pesant dans de nombreux cas, sur les services officiels de sécurité eux-mêmes (milice du ministère de l'Intérieur, ou services spéciaux "SBU"), échappent à toute investigation.
Dans ces conditions, l'impunité des assassins et agresseurs de journalistes est assurée. Elle est la principale menace pesant sur la liberté d'expression en Ukraine.
Reporters sans frontières rappelle, par ailleurs, que les pressions et entraves de toutes sortes à la libre diffusion de l'information se sont multipliées ces dernières semaines. Le 24 mars, le chauffeur du véhicule assurant la diffusion du journal Svoboda a été agressé, et l'essentiel du tirage détruit par ses agresseurs. Le 27 mars, plus de 100 000 exemplaires de l'édition du journal XXIe siècle, à Lougansk, ont été saisis.