La Cour suprême a annulé la licence de la plus populaire des chaînes de télévision. Le gouvernement a aussitôt coupé ses transmissions. Reporters sans frontières dénonce un recul du pluralisme de l'information.
Le 1er septembre 2002, le ministère de l'Intérieur a ouvert une enquête sur la validité du permis de travail de Simon Dring, directeur britannique d'Ekushey TV. Certains responsables du ministère souhaiteraient engager des poursuites judiciaires contre le journaliste, tandis que d'autres voudraient obtenir son expulsion du territoire. Simon Dring, ancien correspondant de la BBC dans la région, a couvert la guerre d'indépendance du Bangladesh contre les Pakistanais. Il est notamment connu pour ses reportages sur les crimes commis par l'armée pakistanaise et leurs alliés Bangladeshi, dont certains sont actuellement au gouvernement.
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Le 29 août, la Cour suprême du Bangladesh a annulé la licence d'émission d'Ekushey Television (ETV), la première et la plus populaire des chaînes de télévision privées du pays. Le gouvernement a interrompu les programmes dans l'heure qui a suivi le verdict.
"Il y a quelques mois, Reporters sans frontières se félicitait dans un rapport d'enquête des récents progrès réalisés par le Bangladesh en matière de pluralisme de l'information audiovisuelle. Aujourd'hui, la disparition d'ETV est un retour en arrière dramatique pour les téléspectateurs du Bangladesh. L'intransigeance et l'empressement des autorités qui ont présidé à l'application de cette décision judiciaire ressemblent bien à une vengeance contre une chaîne de télévision trop indépendante", a déclaré Robert Ménard, le secrétaire général de Reporters sans frontières, dans une lettre adressée au ministre de l'Information, Tariqul Islam. L'organisation a demandé au ministre de trouver une solution qui permette à ETV de continuer à transmettre dans l'attente d'une nouvelle licence de diffusion dans le cadre de la Loi sur les télécommunications du Bangladesh de 2001.
Selon les informations recueillies par Reporters sans frontières, la Cour suprême du Bangladesh a rejeté, le 29 août 2002, l'appel d'ETV et confirmé l'annulation de sa licence. Des centaines de personnes, parmi lesquelles des artistes et des militants des droits de l'homme, étaient venues manifester leur soutien à la chaîne à l'extérieur du tribunal. Suite à cette décision, les techniciens de la chaîne publique Bangladesh Television ont mis fin à la diffusion des programmes d'ETV par voie hertzienne.
Ce jugement est la confirmation de la décision du 27 mars 2002, de la Haute Cour de Dhaka qui avait prononcé l'interdiction d'ETV, jugeant que la chaîne avait obtenu sa licence dans des "conditions illégales" de la part du gouvernement de la Ligue Awami (aujourd'hui dans l'opposition). Le jugement faisait suite à une plainte déposée par deux universitaires et un journaliste proches du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP, au pouvoir). L'application de cette première décision avait été suspendue après qu'un appel avait été déposé par les avocats d'ETV devant la Cour Suprême. Celle-ci ayant rejeté l'appel, la chaîne avait alors formé un recours contre cette décision. Avec ce nouveau rejet, les avocats d'ETV ont aujourd'hui épuisé tous les moyens juridiques à leur disposition.
Ekushey Television s'était vu accorder une licence en 1998, devenant ainsi la première chaîne d'information privée du pays. Elle avait attiré un large public grâce à une variété de programmes qui rompait avec le style monotone et officiel de la télévision publique.