Des rédactions gabonaises prises d’assaut par des commandos armés
Reporters sans frontières (RSF) s’insurge contre les violentes attaques simultanées de plusieurs rédactions à Libreville, capitale du Gabon. Agressés, menacés, les journalistes des rédactions ont été forcés de diffuser des messages politiques sur leurs ondes.
Dans les locaux de la chaîne privée d’opposition TV+, le personnel a été braqué, contraint de s’allonger au sol, une bombe placée entre eux. A la radio panafricaine Africa N°1, les employés ont eux été menacés à la machette et au couteau, ainsi que par une bombe placée dans un sac. Les deux bombes se sont révélées factices.
Le message a finalement été diffusé uniquement sur TV +. Les assaillants n’ont pas pu entrer dans les locaux de Kanal7 qui étaient fermés. La radio Africa N°1 n’avait pas les moyens techniques de lire la vidéo et si les assaillants ont pu pénétrer à l’intérieur de la chaîne publique, Gabon Télévision, ils en sont rapidement repartis à l’arrivée des forces de sécurité.
“RSF condamne avec la plus grande énergie ces attaques intolérables et inédites sur les médias gabonais, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique. L’organisation se réjouit de l’ouverture d’une enquête et espère que toute la lumière sera faite sur les responsabilités des assaillants, sans pour autant entraver la liberté d’expression et d’information dans le pays. “
Dans chacune des rédactions, les hommes ont réclamé la diffusion en boucle d’un message enregistré de Roland Désiré Aba’a Minko, ancien candidat à l’élection présidentielle du 27 août 2016, qui s’était désisté deux jours avant le scrutin pour se rallier à la candidature de Jean Ping. Dans le message en question, l’homme menacait de faire exploser des bombes placées dans des lieux de pouvoir, dans le cas où Ali Bongo, président du Gabon, ne se retirerait pas dans les 72h au profit de Jean Ping.
Roland Désiré Aba’a Minko s’est ensuite présenté à la Représentation de la délégation de l’Union Européenne, porteur d’une bombe factice, où il a été arrêté sans opposer aucune résistance.
Franck Nguema, directeur de la télévision privée TV + sur laquelle le message a pu être diffusé pendant une quinzaine de minutes, a porté plainte dans la journée et a saisi le ministère de la Défense et de l’Intérieur. La justice gabonaise a ouvert une enquête judiciaire.
L’ensemble de la classe politique gabonaise, y compris le cabinet de Jean Ping, a condamné cette attaque, qui intervient après la réélection très contestée il y a huit mois d’Ali Bongo, qui avait ouvert une grave crise politique et suscité des attaques contre les médias de tous bords. Une mission de la CPI est d’ailleurs attendue du 20 au 22 juin pour enquêter sur ces heurts post-électoraux.
Le Gabon occupe la 108ème place au Classement 2017 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, une baisse de 13 places par rapport à l’année 2015.