Coronavirus à Madagascar : une chaîne de télé victime d’un acte de sabotage
Déjà mise en demeure par les autorités, une chaîne de télévision est privée d’antenne après le sabotage de son émetteur alors qu’elle s’apprêtait à rediffuser l’interview d’un ancien président critiquant la gestion de la crise sanitaire par le pouvoir. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités de faire toute la lumière sur cette affaire et de garantir le libre exercice du journalisme, plus que jamais essentiel en pleine crise sanitaire mondiale.
Le signal de Real TV est coupé depuis une semaine. Alors qu’elle s’apprêtait à rediffuser l’interview de Marc Ravalomanana, l’ancien président et rival historique de l’actuel chef de l’Etat Andry Rajoelina, l’émetteur et l’antenne de la chaîne privée ont été endommagés par des inconnus dans la nuit du 6 au 7 avril. Dans un communiqué, le directeur de Real TV condamne ces actes de sabotage et s’étonne que des individus aient pu pénétrer sur les lieux malgré la présence de militaires “censés assurer la sécurité de cet endroit stratégique.”
Ces événements sont d’autant plus troublants que la chaîne était officiellement dans le collimateur des autorités pour son traitement de l'actualité liée au coronavirus. A l’instar de Radio Soleil, une station privée indépendante et de Radio AZ, un média proche de l’opposition, Real TV a récemment été mise en demeure par le ministère de la Communication et de la Culture, notamment pour ne pas avoir relayé en direct les bulletins d’information sur l’épidémie diffusés par les médias publics. La sanction visant Real TV portait aussi sur l’interview de l’ancien président, diffusée le 25 mars dernier. Marc Ravalomanana avait alors déploré une fermeture tardive des frontières de la grande île et estimé que le pouvoir ne pouvait pas gérer cette crise seul. Une intervention qualifiée par le ministère d’incitation à la haine contre les autorités et à la désobéissance civile.
“La lutte contre le coronavirus ne peut servir de prétexte à un contrôle exacerbé de l’information et à des sanctions visant les médias qui oseraient relayer des critiques sur la gestion de la crise sanitaire en cours, déclare Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Quant aux actes de sabotage visant le matériel de diffusion d’une télévision alors même que ce dernier est censé être gardé par des militaires, il doivent faire l’objet d’une enquête impartiale permettant l’identification des responsables. Il n’est pas acceptable qu’en plus d’être mis sous pression, un média puisse être attaqué en toute impunité”.
Le sujet est tellement sensible que l'expression vindicative à l'encontre des autorités sur les réseaux sociaux peut conduire en prison. La justice malgache vient de refuser d’accorder la demande de remise en liberté de la directrice de publication du journal Valisoa, Arphine Rahelisoa, incarcérée depuis le 4 avril pour avoir qualifié sur une page Facebook d’assassin le président du pays pour sa gestion de la crise sanitaire.
Alors que le pays recense 108 cas de Covid-19 et aucun décès, les autorités malgaches ont pris des mesures parmi les plus contraignantes pour les médias en Afrique. Les stations de radio et les chaînes de télévision sont obligées de diffuser les informations officielles sur le coronavirus sous peine de sanction. Cette directive ne devait être assortie d’aucune restriction sur les informations que peuvent publier les médias selon la ministre de la Communication. Les programmes de libre antenne donnant la parole aux auditeurs ont également été interdits dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
Madagascar occupe la 54e place dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.