Chypre du Nord : RSF appelle la justice à acquitter un journaliste poursuivi abusivement
Poursuivi pour “insulte et diffamation”, le journaliste chypriote turc Ali Kişmir risque dix ans d’emprisonnement pour avoir dénoncé l’ingérence de la Turquie dans les élections du pays. Reporters sans frontières (RSF) demande au tribunal de Nicosie d’acquitter le journaliste.
Mise à jour du 25 novembre 2024 : après plusieurs reports, le calvaire judiciaire d’Ali Kişmir se poursuit devant le tribunal de Nicosie. La justice décidera, après l’audition des témoins prévue le 26 novembre, d'acquitter le journaliste et de classer la procédure, ou d’amener l’affaire devant la Haute Cour pénale.
10 ans de prison. C’est la peine encourue par le journaliste et président du Syndicat des journalistes chypriotes turcs (Basin-Sen), Ali Kişmir, pour avoir “insulté et diffamé” la personne morale du Commandement des forces de sécurité dans un article publié en 2020. Il sera jugé le 6 octobre devant la Haute Cour pénale de Chypre du Nord, territoire autoproclamé du nord de l'île de Chypre, qui n’est reconnu internationalement que par la Turquie.
Ali Kişmir est connu pour ses contenus d’information critiques envers le dirigeant chypriote turc Ersin Tatar, soutenu par le régime d’Ankara. Il est régulièrement ciblé par les autorités de Chypre du Nord, notamment depuis la publication il y a trois ans d’un article dans le quotidien Afrika, où il dénonçait les réunions de fonctionnaires turcs dans un bâtiment du Commandement des forces de sécurité, pour s’ingérer dans les élections des Chypriotes turcs. Le journaliste avait qualifié ce bâtiment de “bordel où la volonté des Chypriotes turcs est vendue et achetée”.
“En dénonçant les ingérences de la Turquie dans les élections des Chypriotes turcs, Ali Kişmir n’a fait qu’exercer son travail de journaliste. Ce procès abusif n’est qu’une tentative d’intimidation et de musèlement des journalistes de la part des autorités chypriotes turques. Nous demandons à la justice de prendre en compte l’intérêt général de sa publication et d’abandonner totalement les poursuites à son encontre.
Pendant la campagne électorale de 2020, RSF s’était préoccupé des pressions exercées par Ankara sur les médias chypriotes turcs. Ali Kişmir s’était vu qualifié d’“ennemi de la Turquie”, en raison de ses critiques à l’égard d’Ersin Tatar, alors candidat de l’AKP soutenu pour le régime turc.
Chypre du Nord occupe la 76e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.