Australie : après l'abandon d'un ambitieux projet de loi contre la désinformation, RSF appelle à une régulation des plateformes en ligne
À la suite de la décision du gouvernement australien d'abandonner sa proposition de loi visant à lutter contre la désinformation diffusée par les plateformes numériques, Reporters sans frontières (RSF) appelle les forces politiques australiennes à travailler ensemble à l'élaboration d'une loi appropriée pour répondre à ce problème croissant. Alors que les plateformes telles que X posent de nouveaux défis aux démocraties et l'accès à l'information journalistique, les gouvernements démocratiques ne doivent plus s'empêcher de réguler les géants de la tech.
Le 24 novembre, la ministre australienne des Communications, Michelle Rowland, a annoncé le retrait d'un projet de loi sur la désinformation et la mésinformation, en raison d'un manque de soutien au Sénat.
Ce projet de loi visait à obliger les plateformes numériques à gérer les risques de désinformation et à améliorer la transparence dans le traitement de ces contenus. Il proposait une série de sanctions, notamment des amendes, pouvant aller jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires global des plateformes en ligne, si elles ne parvenaient pas à endiguer la diffusion de fausses informations. Le projet de loi avait fait l'objet de critiques de la part des partis d'opposition australiens qui le considéraient comme une menace potentielle pour la liberté d'expression en ouvrant lavoie vers la censure.
“L'abandon d'une loi visant à freiner la prolifération de contenus faux et trompeurs, en particulier à l'approche des élections fédérales australiennes, est une décision regrettable. La lutte contre la désinformation et les fausses informations sur les plateformes en ligne est une question cruciale qui doit transcender les clivages politiques. Nous demandons que ce projet de loi soit relancé avec des mesures appropriées pour freiner la désinformation et la mésinformation tout en garantissant la liberté de la presse et l'accès à l'information. Les démocraties comme l'Australie doivent prendre leurs responsabilités en régulant les plateformes pour s'assurer qu'elles servent le droit du public à l'information et qu'elles respectent la liberté de la presse.”
Les recommandations des RSF pour un nouveau projet de loi sur la désinformation :
- Exiger des plateformes en ligne qu'elles amplifient les sources d'information fiables. Conformément au rôle qu'elle joue dans la structuration de l'espace public, une plateforme doit être tenue d'amplifier des sources journalistiques fiables identifiées sur la base de normes largement reconnues, telles que la Journalism Trust Initiative (JTI) ou d'autres programmes de certification solides. Cette obligation doit être accompagnée de procédures claires pour s'assurer que les médias et les journalistes sont en mesure de publier des contenus d'intérêt public sans craindre de représailles.
- Imposer aux plateformes une obligation de neutralité en matière de politique, d'idéologie et de religion. La circulation de l'information sur les plateformes façonne le débat public. Ces espaces numériques ne devraient pas être autorisés à fonctionner comme de simples outils au service des intérêts douteux de leurs propriétaires.
- Garantir l'origine de l'information, en réformant le système de vérification des comptes sur la base de critères d'identité objectifs, sans associer un compte vérifié à une augmentation automatique de la visibilité. Confondre la certification des comptes avec les comptes payants qui permettent une meilleure visibilité algorithmique est dangereux pour l'intégrité de l'information en ligne.
- Séparer les rôles des influenceurs et des journalistes, en établissant une distinction claire entre les utilisateurs influents et les journalistes afin que le public puisse facilement identifier l'origine de l'information. Les utilisateurs doivent savoir clairement qui publie le contenu.
- Combattre les “deepfakes” malveillants, en encourageant r l'adoption, par les plateformes numériques, de normes techniques garantissant l'origine et la traçabilité des contenus audiovisuels, non seulement pour signaler les contenus truqués mais aussi pour mettre en valeur les contenus produits par les journalistes, tels que les images et les vidéos, de mettre à disposition des contenus de médias authentiques pour les utilisateurs qui cherchent à s'informer sur des sujets d'intérêt général.
- Établir des sanctions pénales pour les auteurs et les diffuseurs de “deepfakes” dans l'intention de tromper ou de manipuler le public. Les “deepfakes” constituent l'une des attaques en ligne les plus dangereuses, en particulier lorsqu'elles visent des journalistes. Un délit spécifique devrait être établi pour prendre en compte les différents aspects de la menace et pénaliser à la fois les créateurs et les diffuseurs de “deepfakes”.
Les pratiques actuelles des plateformes créent un environnement dans lequel les médias d'information sont de plus en plus mis à l'écart. Les plateformes exploitent leur pouvoir pour privilégier leurs intérêts économiques ou idéologiques, ce qui favorise la propagation de la désinformation. En réponse à cette tendance, et après avoir été la cible d'une campagne de désinformation, RSF a intenté une action en justice contre X (anciennement Twitter) en novembre 2024 pour diffusion de fausses informations et facilitation de l'usurpation d'identité.
L'Australie occupe la 39e place sur 180 pays et territoires dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024, perdant ainsi 12 rangs par rapport à 2023.