Du 22 au 31 mai, une délégation de Reporters sans frontières s'est rendue au Mexique afin d'enquêter sur la situation des journalistes dans les Etats frontaliers du Nord, livrés au narcotrafic, à la corruption et à la violence. L'organisation présente le fruit de cette mission : un constat inquiétant pour la liberté de la presse dans cette région.
Le 22 juin 2004, Francisco Javier Ortiz Franco, cofondateur et éditorialiste de l'hebdomadaire Zeta, était assassiné à Tijuana (Basse-Californie, Nord-Ouest). Ce crime a signé le point d'orgue d'une année noire pour la presse au Mexique avec cinq journalistes tués. Il a néanmoins provoqué un début de prise de conscience au sein d'un milieu journalistique peu enclin à se serrer les coudes, et surtout conduit le gouvernement fédéral à se saisir directement des enquêtes sur les crimes commis contre les journalistes.
Or, un an après l'assassinat non élucidé de Francisco Javier Ortiz Franco, la situation des journalistes mexicains ne s'est guère améliorée. En particulier dans les Etats côtiers et frontaliers des Etats-Unis, gangrenés par le narcotrafic, la corruption et la violence. L'année 2005 a tragiquement commencé avec une disparition et deux assassinats de journalistes au cours de la première semaine d'avril.
Depuis la nuit du 2 avril, Alfredo Jiménez Mota, du quotidien El Imparcial à Hermosillo (Sonora, Nord-Ouest), n'a plus donné signe de vie. Le 5 avril, la journaliste de radio Dolores Guadalupe García Escamilla a été victime d'un attentat devant le siège de la station Stereo 91 XHNOE à Nuevo Laredo (Tamaulipas, Nord-Est). Elle est décédée le 16 des suites de ses blessures. Le 8 avril, le directeur du quotidien La Opinión Raúl Gibb Guerrero a été abattu dans l'Etat de Veracruz (Est). Ces trois cas portent à seize le nombre de journalistes tués depuis 2000. Et pour toutes ces affaires, aucune enquête sérieuse n'a pu mener aux commanditaires, instaurant ainsi un véritable climat d'impunité.
Comment les journalistes travaillent-ils dans cet environnement. Sont-ils amenés à s'autocensurer pour survivre ? Médias locaux et nationaux sont-ils également exposés au danger ? Comment expliquer que les enquêtes sur les assassinats de journalistes n'aient donné aucun résultat ? Pour répondre à toutes ces questions, une délégation de Reporters sans frontières s'est rendue, du 22 au 31 mai 2005, dans les villes frontières de Tijuana et de Nuevo Laredo, et à Mexico.
La délégation a pu rencontrer des journalistes locaux, des correspondants de médias nationaux, ainsi que des représentants de la police et de la justice, dont le vice-ministre fédéral de la Justice José Luis Santiago Vasconcelos. Cette mission a notamment permis de mesurer les graves dysfonctionnements qui règnent entre les trois niveaux de pouvoirs, municipal, d'Etat et fédéral. Une situation que ne semble pas près d'apaiser une campagne électorale féroce pour la présidentielle mexicaine à l'horizon 2006.