Assassinat de Giorgos Karaivaz : les autorités grecques ont-elles quelque chose à cacher ?

Deux ans après l’assassinat du journaliste grec, l’enquête est au point mort. Reporters sans frontières (RSF) exhorte les autorités à solliciter l’aide de l’agence européenne de police criminelle, Europol, pour qu’elle apporte son expertise technique et veille à l’indépendance de l’enquête.

Malgré les promesses de mener une “enquête accélérée” et d’en faire “une priorité absolue”, les autorités grecques n’ont toujours pas arrêté de suspect en lien avec l’assassinat du journaliste grec Giorgos Karaivaz, tué de plusieurs balles devant son domicile d’Athènes le  9 avril 2021. Cinq mois après le crime, la police disposait pourtant de listes de suspects, de témoignages, de communications téléphoniques ainsi que de nombreux enregistrements des caméras de sécurité. Mais depuis, les autorités n’ont révélé aucune information qui permettrait de constater un progrès significatif de l’enquête. 

L’enquête est menée dans l’opacité quasi-totale. Si les autorités affirmaient en octobre 2021 que “dans le cadre juridique grec pertinent, une enquête préliminaire est confidentielle”, la recommandation sur la sécurité des journalistes, adoptée par la Commission européenne en septembre 2021, exige “la transparence” des “enquêtes et poursuites judiciaires concernant les infractions pénales commises contre des journalistes”. Or, dans le rapport du gouvernement grec sur la conformité de ses actions avec la recommandation européenne, rédigé en mars dernier et que RSF a pu consulter, à aucun moment l’assassinat de Giorgos Karaivaz n’est évoqué.

"Les autorités grecques ont-elles quelque chose à cacher sur le meurtre d’un reporter spécialiste de la corruption dans la police ? Il est inhabituel, en Europe, de voir une enquête de ce type progresser aussi peu. Si la Grèce veut sérieusement soutenir les initiatives européennes en faveur de la liberté de la presse, elle doit immédiatement et pleinement associer Europol à cette enquête, afin que l’agence européenne de police criminelle puisse apporter son expertise technique et veiller à l’indépendance des procédures.

Pavol Szalai
Responsable du bureau UE-Balkans de RSF

A la suite d’un appel de RSF formulé en 2022, une délégation du Parlement européen, constatant “aucun progrès visible de l’enquête” a également demandé, en mars 2023, aux autorités grecques de solliciter Europol “sans délai”. 

Europol, qui ne peut agir qu’avec l’accord des autorités nationales, a été invitée par Malte et la Slovaquie à participer aux enquêtes sur les homicides de journalistes de 2017 et 2018. Par conséquent, à peine deux ans après les crimes, le commanditaire présumé de l’assassinat de Daphne Caruana Galizia était arrêté, alors que la personne accusée d’avoir ordonné celui de Jan Kuciak était déjà jugée. Europol a “couvert les arrières des enquêteurs (slovaques) au cas où la pression politique travaillait de manière acharnée pour les bloquer” ou “pour dissimuler les preuves”, témoigne aujourd’hui auprès de RSF Pavla Holcova, la journaliste d’investigation tchèque qui a collaboré avec Jan Kuciak. 

Tout comme Jan Kuciak et Daphne Caruana Galizia, Giorgos Karaivaz enquêtait - pour son blog Bloko.gr et la chaîne Star TV - sur les liens entre l'État et le crime organisé, et notamment la corruption au sein de la police grecque. Si son assassinat demeure non élucidé, plusieurs révélations ont confirmé, en ce début d’année 2023, ses allégations qu’il  menaçait de détailler devant les tribunaux avant d’être exécuté. 

En février dernier, un rapport de police confidentiel contenant des preuves des connexions entre certains membres et hauts gradés de la police, la classe politique et les réseaux mafieux a fuité dans la presse. Quelques semaines plus tard, plusieurs journalistes d’investigation locaux révélaient que le brigadier Dimitris Davalos, soupçonné de collaborer avec la mafia, avait, en avril 2022, été promu directeur de la sécurité de la police grecque, l’un des postes les plus importants dans la lutte contre le crime organisé. Quelques jours après sa promotion, Dimitri Davalos avait démis de leurs fonctions les chefs du département des homicides et extorsions puis demandé à être informé directement des résultats des enquêtes sur la “mafia grecque” au mépris des règles en vigueur.

La Grèce se situe à la 108e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022. 

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