Selon le quotidien Izvestia du 14 novembre 2005, Faik Sadreddinov, un notaire moscovite accusé d'être impliqué dans l'assassinat de Paul Klebnikov et arrêté le 4 juin, a adressé une lettre à Michael Klebnikov, l'un des frères du journaliste américain, après avoir eu connaissance en prison du dossier d'instruction.
Citant un rapport du Bureau fédéral d'enquêtes américain (FBI), réalisé à la demande des enquêteurs russes et qui figure dans le dossier d'instruction, le notaire affirme que Paul Khlebnikov menait une enquête « terrifiante » et qu'il s'apprêtait à publier les noms d'importants hommes politiques russes, après avoir découvert leurs liens avec des Tchétchènes séparatistes.
Le père spirituel de Paul Klebnikov, le prêtre orthodoxe Léonid Kalinine, cité par Izvestia, a confirmé que le journaliste américain lui avait confié qu'il s'occupait d' « enquêtes journalistiques sérieuses, à côté desquelles l'interview du chef de guerre Kozh-Akhmed Nukhayev était du babillage d'enfant ».
Le 16 juin, le parquet général russe avait annoncé que l'enquête sur l'assassinat de Paul Klebnikov était close et que son commanditaire était l'indépendantiste tchétchène Kozh-Akhmed Nukhayev, sans toutefois préciser la date d'ouverture du procès.
- - - - - - - - -
Un an plus tard, l'élucidation de l'assassinat de Paul Klebnikov est capitale pour toute la profession
8 juillet 2005
Lire en russe
Le 9 juillet 2004, Paul Klebnikov, rédacteur en chef de l'édition russe du magazine américain Forbes, était assassiné à Moscou.
« La violence à l'encontre des journalistes en Russie ne cesse d'augmenter et entraîne inévitablement une certaine autocensure. Douze professionnels des médias ont été assassinés dans le pays depuis 2000, mais aucun coupable n'a été traduit devant les tribunaux. L'élucidation de l'assassinat de Paul Klebnikov est capitale pour l'ensemble de la profession. Car si l'on peut tuer un journaliste américain dans les rues de Moscou en toute impunité, qu'en est-il des dangers encourus par les journalistes russes qui, en province, enquêtent sur des sujets délicats, comme la corruption ? Nous demandons aux autorités judiciaires russes de s'assurer que toutes les pistes ont été sérieusement étudiées avant de clore l'enquête sur l'assassinat de Paul Klebnikov. Il serait particulièrement grave de constater que les inculpés ne sont que des 'coupables de circonstance' », a déclaré Reporters sans frontières.
Les investigations du parquet général de Russie se sont accélérées depuis le 13 mai, lorsque deux Russes originaires de Tchétchénie ont été mis en examen pour leur participation présumée à l'assassinat du journaliste américain.
Musa Vakhayev, 40 ans, originaire de la ville d'Urus-Martan (Tchétchénie), a été arrêté le 18 novembre 2004 par le parquet de Moscou. Il est soupçonné d'être le conducteur du véhicule utilisé lors de l'assassinat du rédacteur en chef de Forbes, tué de quatre balles à la sortie de son bureau de Moscou, le 9 juillet 2004. Selon les enquêteurs, ses empreintes digitales ont été relevées dans le véhicule, retrouvé le lendemain du drame dans une avenue de Moscou. Le deuxième suspect mis en examen est Kazbek Doukouzov, accusé d'être l'exécutant. Il a été extradé en mars 2005 du Bélarus. Le 4 juin, Faik Sadreddinov, un notaire de Moscou, a été arrêté et mis en examen pour sa participation présumée dans cette affaire. Le 16 juin, le parquet général russe a indiqué que d'autres « exécutants » accusés d'avoir participé à l'assassinat de Paul Klebnikov avaient été identifiés, citant Magomed Doukouzov, le frère de Kazbek Doukouzov, Magomed Edilsoultanov et « d'autres », qui sont actuellement recherchés.
Le même jour, le parquet général russe a annoncé que l'enquête sur l'assassinat de Paul Klebnikov était close et que son commanditaire était l'indépendantiste tchétchène Kozh-Akhmed Nukhayev, sans toutefois préciser la date d'ouverture du procès.
En 2003, Paul Klebnikov avait publié « Conversations avec un barbare », paru en anglais et en russe dont des extraits avaient été publiés dans Forbes. Il citait notamment Kozh-Akhmed Nukhayev, éphémère vice-Premier ministre du gouvernement séparatiste tchétchène en mai 1996, expliquant que cet indépendantiste avait versé dans le banditisme après la première guerre russo-tchétchène (1994-1996), avant de se consacrer à la lutte politique au sein du mouvement « terre tchétchène d'Islam ».
Paul Klebnikov avait rencontré Kozh-Akhmed Nukhayev en 2001. Ce dernier avait annoncé en octobre 2003 « reprendre les armes » et revenir en Tchétchénie, après avoir passé plusieurs années à Bakou, la capitale de l'Azerbaïdjan. « Si quelqu'un tue ou insulte simplement un membre de votre clan (...), il sera poursuivi pour le reste de sa vie. Il n'arrivera pas à échapper au châtiment », disait Kozh-Akhmed Nukhayev, cité par Paul Klebnikov dans un article publié dans Forbes.
Michael et Peter Klebnikov, les frères du journaliste, ont toutefois exprimé leur scepticisme concernant le commanditaire présumé : « Cela nous étonne. (...) Nous n'avons rien entendu de la part de Paul qui laisserait penser qu'après la sortie du livre, M. Nukhayev était mécontent de quoi que ce soit. » La famille Klebnikov demande que les autorités judiciaires autorisent d'autres pays à se joindre à l'enquête, en soulignant que le commanditaire présumé se trouvait certainement à l'étranger.
« Je me réjouis d'apprendre que l'on a enfin arrêté les meurtriers et le commanditaire de l'assassinat de mon neveu - à condition que l'information soit exacte -, abattu simplement parce qu'il faisait son travail », a déclaré Hélène Carrère d'Encausse, membre de l'Académie française, à Reporters sans frontières.
Paul Klebnikov, âgé de 41 ans, était un journaliste d'investigation chevronné qui travaillait pour le magazine Forbes depuis près de quinze ans. Peu avant sa mort, il enquêtait sur le détournement de centaines de millions de dollars destinés à la reconstruction en Tchétchénie.