Libéria : les attaques contre les radios privées sont “contraires à l’esprit de la loi” sur la liberté de la presse
Au Libéria, trois radios privées, critiques du président Weah, ont fait l’objet d’attaques ces dernières semaines. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ces exactions et demande l’ouverture d’enquêtes sérieuses et indépendantes.
Un inspecteur du travail de la province de Margibi, dans le centre du Libéria, s’en est violemment pris le 4 mars dernier à la radio Margibi FM de Kakata et à un de ses animateurs, Nula Binda, qui venait de diffuser un élément sonore dans lequel le fonctionnaire réclamait un pot de vin à un homme d’affaire étranger.
Quelques jours aupraravant, à Monrovia, des individus non identifiés ont détruit les câbles des émetteurs d’une autre radio privée, Joy FM. Cette attaque était la troisième du genre après celles qui avaient déjà visé la radio privée Roots FM, en janvier et février.
Ces attaques ont provisoirement réduit au silence trois radios réputées critiques du régime du président George Weah. Selon des informations recueillies par RSF, les trois radios ont aussi en commun d’avoir traité sur leurs antennes de scandales de corruption impliquant le gouvernement et notamment la disparition de 16 milliards de dollars des caisses de l’Etat, ou encore l’utilisation non comptabilisée de 25 millions de dollars destinés à stabiliser l'économie du pays.
Après chaque incident, la police a annoncé l'ouverture d'une enquête, mais pour l’instant, aucune avancée sérieuse n’a été constatée. Le Centre d'études des médias sur la consolidation de la paix (CEMESP), une organisation de défense des droits des médias au Libéria, dénonce l’inaction d’un gouvernement “muet”.
Après l’attaque de Roots FM, des agents armés ont par ailleurs été déployés au centre de transmission de la radio, qui est hébergé par une entreprise de téléphonie mobile. Selon le Syndicat des journalistes du Libéria (PUL), la présence policière dans les locaux de la société téléphonie équivaut à ‘’une fermeture habile de l’une des voix les plus critiques du Libéria (Roots FM), à la suite de l’adoption du projet de loi visant à dépénaliser la diffamation».
‘’Ces attaques répétées contre des radios privées connues pour leur ton critique envers le pouvoir du président Weah sont particulièrement préoccupantes, déplore Assane Diagne, directeur du bureau Afrique de l’Ouest de RSF. Des enquêtes sérieuses et indépendantes doivent être menées pour identifier et punir les auteurs de ces violations qui sont totalement contraires à l’esprit de la loi votée au début du mois de février par le Parlement libérien, qui était destinée à renforcer la liberté de la presse.”
Ces incidents se sont produits juste après l’adoption de la loi Abdullahi Kamara sur la liberté de la presse, qui dépénalise les délits de presse et qui cherche à créer les conditions d’un libre exercice de la profession.
Les stations de radio sont très écoutées au Libéria et constituent la première source d’information de la population, en raison notamment de leur accessibilité par rapport aux journaux, dont la portée est limitée par l’analphabétisme, le prix, et la pauvreté. A l'heure actuelle, le pays compte 125 radios d'État, commerciales, religieuses, universitaires et communautaires.
Le Libéria occupe la 89e place du Classement mondial de la liberté de la presse 2018 établi par RSF.