Thaïlande : la journaliste Suchanee Cloitre condamnée à deux ans de prison pour un simple tweet

La reporter thaïlandaise Suchanee Cloitre a été condamnée mardi à deux ans de prison pour diffamation, en raison d’un tweet concernant un géant de l’agroalimentaire. Libérée sous caution, elle a annoncé qu’elle ferait appel. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une condamnation inique et appelle la justice thaïlandaise à abandonner toutes les charges en seconde instance.


Actualisation

Un peu moins d’un an après sa condamnation, Suchanee Cloitre a finalement été acquittée en appel le mardi 27 octobre 2020. Dans son arrêt, la cour de seconde instance qui l’a jugée note qu’“en tant que membre de la presse et en tant que citoyenne, la prévenue a le droit d’enquêter, de critiquer et d’émettre une opinion dans un esprit d’intérêt public”. RSF souligne une victoire pour la liberté de la presse, mais regrette que la journaliste ait été condamnée en première instance.



En Thaïlande, un tweet peut valoir deux ans de prison. La journaliste thaïlandaise Suchanee Cloitre en a fait l’amère expérience : dans un procès pour diffamation qui l’oppose au géant de l’agroalimentaire Thammakaset, le tribunal provincial de Lop Buri (centre de la Thaïlande) l’a reconnue coupable dans un jugement rendu mardi 24 décembre et l’a condamnée à la peine maximale prévue pour ce motif. La journaliste a annoncé qu’elle allait faire appel.


L’affaire remonte à 2016. Cette année-là, le gouvernement thaïlandais ordonne à Thammakaset de verser des compensations à 14 travailleurs migrants exploités dans des élevages de volailles. Une décision que Sucheena Cloitre, alors rattachée à la chaîne Voice TV, relaie dans un tweet. Les employés ayant été forcés de travailler 20 heures par jour sans être payés, Suchanee Cloitre ose qualifier les faits d’”esclavage”.


Estimant que ce tweet compromet ses intérêts, le groupe décide alors de poursuivre la reporter en justice. Un combat qui s’apparente à celui de David contre Goliath, et pour lequel la justice a clairement choisi le camp du géant. Plus de trois ans après les faits, la journaliste a été condamnée à une lourde peine : deux ans de prison, auxquels s’ajoutent les 75.000 baths (2.250 euros, soit six mois de salaire médian en Thaïlande) qu’elle a dû verser pour obtenir sa libération sous caution et ne pas se retrouver derrière les barreaux.


Répression implacable


“Nous appelons les juges de la cour de Lop Buri à retrouver un semblant de crédibilité en abandonnant les charges absurdes qui pèsent contre Suchanee Cloitre, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Cette condamnation inique est le signe d’une justice qui méprise le libre exercice du journalisme et se range du côté des puissants. Elle semble n’avoir qu’un seul but : intimider l'ensemble de la profession.”


Depuis le dernier coup d’État militaire de 2014, la junte au pouvoir à Bangkok a mis en place un système de répression implacable contre la liberté de la presse. Particulièrement sévères, les lois sur la diffamation sont régulièrement instrumentalisées pour faire taire les journalistes.


Les élections législatives qui ont finalement eu lieu en mars 2019 ont été entachées de graves atteintes au pluralisme. RSF avait ainsi dénoncé la censure pure et simple, durant la campagne électorale, de la chaîne Voice TV, pour laquelle travaillait Suchanee Cloitre.


La Thaïlande  se situe à la 136e place sur 180 pays dans le classement dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2019 par RSF.

Publié le
Updated on 27.10.2020