A Malte, les démissions politiques ne suffisent pas : RSF exige que des poursuites soient engagées contre les commanditaires de l’assassinat de Daphne Caruana Galizia
Après plus de deux ans d’impunité pour l’assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia dans un attentat à la voiture piégée à Malte, l’enquête criminelle progresse enfin, avec plusieurs arrestations et démissions politiques la semaine dernière. Mais en dépit de ces progrès apparents, Reporters sans frontières (RSF) estime que les démissions politiques ne suffisent pas et demande que des poursuites judiciaires soient engagées contre les commanditaires de cet assassinat et contre toutes les personnes impliquées dans les plus brefs délais.
À la suite de sa démission le 26 novembre, l’ex-chef de cabinet du Premier ministre, Keith Schembri, est la dernière personne à avoir été arrêtée en lien avec l’assassinat de Daphne Caruana Galizia. Le ministre du Tourisme, Konrad Mizzi, a également démissionné de son poste, et le ministre de l’Économie, Christian Cardona, a de lui-même cessé ses activités. L’homme d’affaires Yorgen Fenech, propriétaire de la société 17 Black enregistrée à Dubaï, a été arrêté, interrogé et libéré trois fois. Il ne fait pas encore l’objet de poursuites, mais reste sous la surveillance de la police et a demandé l’immunité pénale en échange d’informations. Le médecin personnel de Fenech, Adrian Vella, a également été arrêté en lien avec l’assassinat.
L’un des suspects, l’intermédiaire Melvin Theuma, a bénéficié d’une grâce présidentielle en échange d’informations et devrait être appelé à témoigner devant un magistrat le 29 novembre. Trois hommes de main, Alfred Degiorgio, George Degiorgio, and Vincent Muscat, restent également en détention à la suite de leur arrestation le 4 décembre 2017, sans avoir encore été jugés.
“Après deux longues années d’impunité, nous nous félicitons des développements significatifs que semble connaître aujourd’hui l’enquête sur l’assassinat de Daphne Caruana Galizia, déclare Rebecca Vincent, la responsable du Bureau Royaume-Uni de RSF. Ils sont le fruit d’une intense campagne menée par la famille de Daphne Caruana Galizia et par la société civile maltaise et internationale, ainsi que d’un travail journalistique courageux travail journalistique qui s’est poursuivi malgré les pressions. Toutefois, ces mesures ne sont pas suffisantes pour que justice soit rendue. Nous demandons à ce que tous les hommes de main, tous les intermédiaires et tous les commanditaires soient poursuivis dans toute la mesure de la loi.”
Face à tous les manquements évidents de l’enquête criminelle jusqu’à aujourd’hui – comme le détaille un rapport cosigné par RSF et The Shift New -, RSF réitère la nécessité qu’une enquête publique indépendante et impartiale soit menée sans plus attendre, et approuve les récentes avancées des termes de référence ainsi que les changements au sein de la commission d’enquête. Cette mesure demeure essentielle pour déterminer si l’État connaissait ou aurait dû connaître la menace qui pesait sur Daphne Caruana Galizia ; si l’État aurait pu agir pour prévenir cet assassinat ; et quelles leçons peuvent être tirées pour l’avenir.
“Pour que le pays soit capable de tourner une page et d’avancer, toute la lumière doit être faite sur ce qu’il s’est passé et sur les responsables du meurtre, et toutes les mesures doivent être prises pour assurer une justice totale,” déclare Pauline Adès-Mével, responsable du Bureau UE de RSF.
RSF appelle également le gouvernement maltais à mettre en œuvre toutes les recommandations de la résolution du 26 juin 2019 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) concernant l’État de droit à Malte, qui n’ont jusqu’à présent pas été prises en compte, ainsi que l’a souligné le Comité des affaires légales et des droits humains de l’APCE dans une note d’information publiée le 18 novembre 2019.
Quatre grandes manifestations se sont déroulées dans le centre de La Valette depuis la première arrestation de Yorgen Fenech, le 20 novembre. Les manifestants ont réclamé la démission du Premier ministre Joseph Muscat et justice pour Daphne Caruana Galizia.
Malte occupe le 77e rang sur 180 pays dans le Classement de la liberté de la presse 2019 de RSF, après avoir chuté de 30 places ces deux dernières années.