Liban : les agressions de journalistes se banalisent
Ces dernières semaines, au Liban, les agressions contre les journalistes ne cessent de se multiplier et inquiètent la profession. Reporters sans frontières (RSF) condamne ces violences et appelle les autorités à protéger les journalistes.
Au Liban, où un confinement a été décrété jeudi dernier pour faire face à la pandémie de Covid-19, le correspondant de la chaîne libanaise LBCI, Yahya Habchiti, a été violemment agressé alors qu’il couvrait l’application de nouvelles mesures sanitaires strictes dans la ville de Tripoli, dans le nord du Liban. Il a été pris à partie par un groupe de jeunes hommes contrôlés par la police dans un café bondé, qui lui ont arraché son matériel et l’ont roué de coups.
Un sit-in a été organisé le lendemain devant le Palais de justice de Tripoli par des journalistes venus exprimer leur ras-le-bol. “Si la justice peut convoquer les journalistes pour diffamation, elle se doit également de les protéger lorsqu’ils sont victimes d’agression alors qu’ils cherchent seulement à diffuser les faits tels qu’ils sont réellement”, explique le journaliste Ghassan Rifi, participant à ce rassemblement.
Cette agression survient après une série d’autres incidents graves. Fin novembre 2020, le journaliste Rabih Shantaf et le photographe Mahmoud Al-Sayed, de la radio Sawt Beirut International, ont dû être hospitalisés après avoir été insultés et battus par une trentaine de partisans du Hezbollah. Rabih Shantaf explique qu’ils étaient simplement venus couvrir un important incendie dans un immeuble dans le quartier de Zokak El-Blat, au sud-ouest du centre-ville de Beyrouth, lorsqu’ils ont été pris à partie par des membres du Hezbollah qui se trouvaient sur place, au prétexte que leur média, Sawt Beirut International (connu pour sa ligne critique contre les partis religieux), diffamait leurs leaders religieux. L'armée a dû intervenir pour les escorter à l’hôpital.
Début août 2020, une quinzaine de journalistes ont également été blessés par les forces de l’ordre lors des manifestations anti-gouvernementales qui ont suivi l’explosion du port de Beyrouth, tandis que le correspondant du quotidien Al-Nahar, Alexandre Khachachou, a été violemment battu par des partisans du mouvement Amal, un parti allié au pouvoir et hostile aux médias en raison des accusations de corruption dont il est l'objet.
Plus tôt dans l’année, en juin 2020, ce sont les deux journalistes Layal Saad et Raneen Bou Khzam qui ont été agressées et intimidées par des manifestants alors qu’elles couvraient les protestations antigouvernementales. Mais le déchaînement contre la profession remonte au début des manifestations populaires, en octobre 2019. Micros arrachés, journalistes encerclés, interruptions pendant des interventions en direct… Autant d’entraves qui ont créé un climat de travail délétère pour les journalistes de terrain.
“La banalisation des agressions contre les journalistes, alimentée par les tensions politiques croissantes au Liban, est extrêmement inquiétante, déclare la responsable du bureau Moyen-Orient de RSF, Sabrina Bennoui. Les autorités ne peuvent laisser les médias continuer à devenir la cible facile de certains manifestants ou militants, qui les empêchent de faire leur travail. Des mesures de protection doivent être étudiées et mises en place au plus vite. ”
Le Liban occupe la 102e place sur 180 pays dans le Classement de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.