Le site de RSF bloqué en Egypte
Le site de Reporters sans frontières (RSF) fait désormais partie de la centaine de sites internet bloqués en Egypte. RSF demande une explication aux autorités égyptiennes ainsi qu’un retour rapide à la normale sur la toile égyptienne.
RSF constate que son site https://ltpszjrkmr.oedi.net/fr, qui informe des violations contre la liberté d’information à travers le monde, en plusieurs langues dont l’arabe, n’est plus accessible à partir du territoire égyptien depuis le lundi 14 août 2017. Le site de l’organisation est bloqué quel que soit le fournisseur d’accès: Tedata (le fournisseur gouvernemental) Vodafone, Etisalat ou encore Orange. En procédant ainsi, l’Egypte se place sur la liste des pays non démocratiques comme l’Iran ou la Chine, qui a bloqué à deux reprises le site RSF dans le passé.
RSF a tenté, en vain, d’obtenir des explications pour connaître les raisons de ce blocage. Nos équipes ont joint par téléphone plusieurs instances gouvernementales dont le ministère des Télécommunications ou le Conseil suprême des médias, qui déclarent ignorer la provenance de l’ordre et les raisons de blocage du site de RSF. Un responsable des médias au sein de l’Autorité de régulation des Télécommunications a assuré que son institution n’était pas non plus à l’origine de cette mesure à l’encontre de RSF.
RSF déplore la censure de son site qui vient s’ajouter à la liste déjà longue des sites d’information bloqués en Egypte. “C’est la première fois que le site de RSF est bloqué en Egypte” dénonce Alexandra El Khazen, responsable du bureau Moyen-Orient de RSF. Nous sommes extrêmement inquiets de cette mesure inique et attendons une explication des autorités égyptiennes pour comprendre pourquoi ltpszjrkmr.oedi.net et plus de 130 autres sites sont aujourd’hui inacessibles. Le blackout digital généralisé imposé en Egypte n’est pas seulement une grave atteinte à la liberté d’information, cela révèle aussi la crainte d’un régime de voir qu’une population informée puisse être une menace pour sa stabilité”.
Un blocage massif dans un silence assourdissant
Le Conseil suprême des médias a conseillé à RSF d’envoyer une demande d’explication officielle afin que ce dernier puisse ouvrir une enquête. Selon nos informations, cette procédure engagée depuis deux mois par des médias tels que Masr al arabia, al Bedaiah et Mada Masr n’a toujours pas abouti. Certains des sites bloqués ont directement porté plainte ou se sont tournés vers le Syndicat des journalistes égyptien pour connaître les raisons du blocage et identifier l’entité responsable de cette opération. A ce jour, leurs démarches sont également restées sans réponse.
Le blocage de dizaines de sites internet en Egypte a commencé à partir du 24 mai dernier sans préavis, ni explication officielle. Depuis, la liste des sites rendus inaccessibles n’a cessé de s’allonger. A ce jour, l’Association égyptienne pour la liberté de pensée et d’expression (AFTE) évalue à 135 le nombre de sites bloqués. Les sites visés sont aussi bien des versions en ligne de médias traditionnels, que des médias électroniques, des sites d’organisations de défenseurs des droits humains ou des think-tanks, ou encore des sites qui permettent de déjouer le blocage, comme ceux des réseaux VPN ou du logiciel Tor. “L’Egypte se situe actuellement dans un trou noir digital”, expliquait déjà le mois dernier Lina Attalah, la fondatrice de Mada Masr, un influent journal égyptien indépendant en ligne arabophone et anglophone.
Le black-out et Shawkan
RSF constate que son site a été bloqué le jour même où l’organisation dénonçait le quatrième anniversaire de la détention illégale et arbitraire du photojournaliste Shawkan. Il y a quatre ans, le 14 août 2013, les autorités égyptiennes donnaient l’ordre de disperser violemment les manifestants pro-Morsi qui étaient réunis sur la place Rabaa al-Adawiya, dans la capitale égyptienne. Mahmoud Abou Zeid, connu sous le pseudonyme de “Shawkan”, a été arrêté alors qu’il documentait ce rassemblement et l’intervention des forces de l’ordre.
Des journalistes emprisonnés, harcelés judiciairement, des médias censurés et mis au pas, de nouveaux médias à la botte du pouvoir constituent l’environnement médiatique de l’Egypte, qui figure aujourd’hui à la 161ème place (sur 180) du Classement 2017 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.